Big Joe Williams: Baby, Please Don't Go

Un titre pleurnichard écartelé entre Chicago, Belfast et Sydney…

In the beginning, comme toujours, le blues. Du Delta, oui. 1935 : Joe Williams pioche dans Tin Pan Alley et balance un premier jet crin-crin et washboardé. Revoit sa copie en 1941 avec sa fameuse gratte à - wait for it - neuf cordes.

1951 : Charlie McCoy, Lightning Hopkins et Leroy Dallas ont assuré l’intérim, les Orioles dépoussièrent le truc, broken hearts en mode chabada, souple, indolent, un lamento rigolo capté par James Brown pour son "Please, Please, Please".

1953 : Chess aux abois envoie le bulldozer Muddy Waters, branché direct sur secteur, Little Walter en renfort, pont jeté entre blues et rock. New title car made in Chicago, n’est-ce pas. On fera comme McKinley maintenant... ou pas.

1964 : Billy Lee Riley, Bukka White, Pink Anderson, Mose Allison, tous pleurent leur meuf. Georgie Fame, le nez creux, injecte du clavier Ray Charles et pervertit le titre en rhythm-and-blues pour un public Austin Powers.

1964 : Van Morrison va chercher le "Don’t Go Baby" de Hooker, réécrit le truc avec guitare serpentesque, basse minimaliste pulsante, harmonica geignard et pose une dramaturgie de l’objurgation menaçante. Waters prend l’eau illico.

1967 : Paul Revere & The Raiders font un copié-collé, oublié depuis. Les Amboy Dukes chourent la feuille de route irlandaise, Nugent ajoute feulement et feedback néandertaliens et construit un tremplin pour ses live solo 70s.

1967 : le King of Zydeco, quadra édenté à piano à bretelles, propose un remblai cajun contre la déferlante électrique des djeuns et ramène la plainte originelle, oubliée, au cœur du débat. Pas de solo de guitare, hein.

1969 : le Sparrow de John "Blind Owl" Kay en ébrouements paléo-Steppenwolf s’y hasarde sans conviction, timbre inimitable mais chant mollasson qui peine à se placer, deux breaks rave-up yardbirdsiens inattendus sauvent la mise.

1970 : aux manettes, gratouillant mille instruments, Al Kooper fait son Todd Rundgren avant l’heure, une petite intro à la Hopkins puis assomme : 12 minutes hors-sujet, le titre devient support, la belle s’est tirée depuis longtemps.

1972 : rythmique sèche-serrée, riff croquignolet, saxo muppet, Gary Glitter, droit dans ses platform boots, strassé pas trop stressé par le départ de sa meuf, au pire, lâcher de paillettes sur le dance floor pour oublier. Glam de fond.

1975 : la cuvée blues-hard galloise de Budgie deux ans avant puis soudain AC/DC, Evans et Rudd pas encore en studio, toise Them, nouvelle version définitive, sorry. En live, Frau Scott clope au bec, tresses tyroliennes et culotte apparente.

2015 : 40 ans d'interlude, Leslie West, Tom Petty, Zakk Wylde, ça attire la gratte, essentially. Gibbons, back to the roots, jam heavy laid-back, se contrefout des paroles, la meuf perdue de vue de longue date, le manche auto-astiqué.