Black Sabbath: Paranoid (1971)

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"Some of the albums were played in different tunings in the early days. We never went by the rules and just tuned the way that sounded right for that track or that album. We've always tuned a half-step down, but on the Paranoid and Black Sabbath albums we tuned to pitch. On Master Of Reality we tuned down three half-steps. We didn't have any rules, because everybody else made the rules up. We just broke them!" (Tony Iommi)

Where: Recorded at Regent Sound and Island Studios

When: Janvier 1971

Who: Ozzy Osbourne (vocals), Tony Iommi (lead guitar), Terry "Geezer" Butler (bass), Bill Ward (drums)

What: 1. War Pigs 2. Paranoid 3. Planet Caravan 4. Iron Man 5. Electric Funeral 6. Hand of Doom 7. Rat Salad 8. Fairies Wear Boots

How: Produced by Roger Bain

Up: envol de power-chords sinistres qui retombent en voile méphitique épais, basse rocheuse qui progresse en reptation sur un champ de toms claudiquants, feedback affolé et sirènes apocalyptiques, deux accords noirs claqués, Ward qui tape ses charleys, lâche une ouverture, rabattue illico par deux gifles de Iommi, Ozzy prend le micro en prophète, tout en jubilation eschatologique ("Generals gathered in their masses / Just like witches at black masses / Evil minds that plot destruction / Sorcerers of deaths construction"), la SG tournoie, libère des aigus égosillés, Ozzy lâche la meute ("Oh Lord yeah!"), Ward explose en une symphonie de roulements sur les accords sombres de Iommi qui enchaîne avec une râpe syncopée de notes graves qui rebondissent sur un set basse-batterie affolé, courant aux abris, un petit aigu final souligné, Ozzy se sait condamné, se laisse porter par des accords splashés, Ward et Geezer en Bruce-Baker des bidonvilles, du heavy metal qui tombe par paquets, en fusion, d'un ciel de bistre, retour des deux accords comminatoires de Iommi, Ward a une frappe bonhamesque insoupçonnée aujourd'hui encore, un solo pas annoncé se déclenche sur un accompagnement faussement désorienté, multi-directionnel, avec cymbales acides qui se vrillent dans la glande pinéale, Iommi se fait magistral à coups d'envolées de médiator sataniques, bientôt brouillées par une SG supplémentaire, un peu décalée, fait du Hanneman-King tout seul dans les deux enceintes, part dans des recoins putrides, s'en extirpe par des power-chords récurrents grandioses, Geezer dégoise sur tout le manche - break : on revient aux charleys tapis de Ward, Ozzy vaticine du tréfonds de son trip ("In the fields the bodies burning / As the war machine keeps turning / Death and hatred to mankind / Poisoning their brainwashed minds, oh lord yeah!"), on fait tourner le gimmick des charleys, Ward est imposant, un insidieux feeling jazzy à la chose tout de même, c'est Ward qui part à l'assaut du champ de cadavres alternant roulements derniers et syncopes tribales, stop : arpèges saturés suintants, réponse rocailleuse immédiate de Geezer sur martelage de Ward, on évolue vers un riff avec basse en aller-retour d'octaves, un ton de moins, puis un autre, un deuxième palier introduit par un roulement vertigineux de Ward, Iommi, du haut de son promontoire, SG d'ébène en bandoulière, largue des notes dans un précipice infernal, certaines à fragmentation, guitare doublée avec léger décalage, une pulsion ininterrompue de basse loquace - stop : nouveaux arpèges saturés, réponse trop rapide de Geezer et Ward, fin aspirée dans des fonds ardents éternels ["War Pigs"]... un killer-riff de Gibson, Geezer s'y colle au corps-à-corps, on laisse tomber et à la place on varlope un riff descendant en notes graves granuleuses, ponctué de stridences, foulé aux pieds par Ward, Ozzy aux prises avec l'horreur ultime, la démence lucide ("Finished with my woman cause she couldn't help me with my mind / People think I'm insane because I am browning all the time / All day long I think of things but nothing seems to satisfy / Think I'll lose my mind if I don't find something to pacify"), des power-chords en suspens emphatique, Geezer, claustro toujours en partance, réussit à s'échapper du riff cimenté entre deux souffles, fait la pompe avec les octaves, un solo écorché, déjà, de Iommi sur une rythmique étouffée au risque de l'inaudible, Ozzy conclut ("I tell you to enjoy life I wish I could but it's too late"), un hymne teenager sournois ["Paranoid"]... des accords sereins, jazzy en diable, conclus d'arpèges simples, Geezer pond une partie de basse veloutée et lyrique sur les toms exotiques de Ward, privé de pied de grosse caisse, Ozzy, voix trafiquée, raconte une curieuse équipée aux accents Solaris ("We sail through endless skies / Stars shine like eyes / The black night sighs / The moon in silver trees / Falls down in tears / Light of the night / The earth, a purple blaze / Of sapphire haze / In orbit always"), la détonation attendue ne vient pas, Ozzy est sous état de choc, stoned aussi probablement, un calme angoissant, une ballade malade avec grosse basse et toms hypnotiques, des stridences volatiles flûtées, Ozzy souffre, un solo jazzy de Iommi en notes timides puis éclatantes, le plus beau titre sédatif du Sab' ["Planet Caravan"]... pied de grosse caisse huit fois pressé, voix robotique déclamatoire "I'm an iron man!", une note tonitruante impériale de Iommi, puis, vite, un riff boogie décéléré, Ward s'insère comme un bûcheron, Geezer part dans les alpages, Ozzy, paresseux, colle sa voix au riff infect, déjà d'autres riffs, plus grandiloquents, consciencieusement concassés par Ward en frère de sang ignoré de Bonham, un petit break et encore un riff (oui) boogie (oui), une rythmique tordue, pas aisée, sans absolument aucun feeling bien sûr, c'est l'heure des grands riffs pour Iommi qui annonce déjà ceux de la fin, claque, frappe puis explique en phrases déliées, compulse son dictionnaire de riffs maison, puise, pioche à l'envi, revient, pourquoi pas, au premier riff escaladant ponctué de power-chords glorifiés, break, passe dans une suspension aux relents jazz, abandonne et tricote à la Gibson furieuse, Geezer, métallurgiste, scie sa basse silex, encore un break - qui les compte ? - , retour aux riffs, Geezer et Ward colmatent tous les interstices, chassent l'air, de l'air !, aucun répit et sans la facilité de la vitesse, Ozzy a justifié ses paroles ado débiles de comics sci-fi Marvel ("He was turned to steel / In the great magnetic field / Where he traveled time / For the future of mankind"), tiens un break sur des charleys frémissants et agités, la basse de quartz de Geezer tourne à vide en centrifugeuse affolée, les roulements de Ward sont si jouissifs, l'homme à la SG repart dans des motifs princiers pour un final en soli croisés, décalés comme de bien entendu ["Iron Man"]... quel riff classsieux en wah-wah funèbre et basse lyrique, riff dégringolant légèrement chevrotant, comme en équilibre, Ozzy se met dans sa roue et balance ses nouvelles prophéties ("Reflex in the sky warn you you're gonna die / Storm coming, you'd better hide from the atomic tide" - ok), la lave de wah-wah riffesque, trop contenue, déborde dans les baffles, une beauté sépulcrale à couper le souffle, Geezer coiffe le tout de quelques notes souterraines supplémentaires, Ozzy continue à débiter sur le riff rétropédalant obsessif, puis Ward piétine sur les accords récurés de Iommi et la basse en échardes de Geezer et, surprise, émerge un nouveau riff boogie, vite alterné avec le principal, aux volutes hardiment suivies à la trace par Ozzy ("Buildings crashing down to a cracking ground / Rivers turn to wood, ice melting to flood / Earth lies in death bed, clouds cry water dead / Tearing life away, heres the burning pay") et par Geezer qui balance des renversements à la Macca, ne le dites à personne il y a déjà ici plus de riffs que dans tout le catalogue de Rage Against The Machine, un break et un retour, sans justification, au riff liminaire flottant, et ses notes vibrantes d'émotion, et puis à la descente de notes du premier couplet, notes légèrement tues, donc plus menaçantes, pour un fading avec d'ultimes frappes de forgeron de Ward, qui glisse des subtilités ["Electric Funeral"]... la basse qui riffe pour commencer sur la batterie jungle de Ward, Iommi accompagne gentiment ses potes, début gouailleur pour Ozzy, faux prêtre alcoolique défroqué donneur de leçons ("Whatcha gonna do? / Times caught up with you / Now you wait your turn / You know there's no return"), on monte le son et le riff remplit les baffles sous les roulements perpétuels de Ward et les aigus terrorisés de Iommi, Geezer pour une fois colle au riff, on stoppe et retour aux notes de basse suspendues avant la frappe, Ozzy tape sous la ceinture en passant ("First it was the bomb / Vietnam napalm / Disillusioning / You push the needle in"), Ward fracasse ses toms, on calme un peu le jeu mais le riff de basse menace toujours, on craint le retour, sans prévenir Iommi déboule sur la gauche avec un riff mitraillé, à droite un riff boogie (le 51e ou 79e ?), Geezer maltraite ses cordes, Ward fait rien qu'à copier, Ozzy gueule ("Oh you, you know you must be blind"), c'est lourd et maladroit donc c'est beau, Iommi recharge la SG AK-47, arrose tout le monde, fait tourner, riff gras et cracheur à droite en supplément gratis, encore un autre riff boogie, Ward piétine littéralement sur place, Geezer et Iommi exceptionnellement ne font qu'un, Ozzy jubile sur son char ("You're havin' a good time babe / But that won't last"), Iommi rekalachnikove des éclats de pentatonique, même les cymbales de Ward, seules, dépouillées, sont magnifiques, échappées de Geezer et pilonnage de tocsin de Ward, c'est le tour de Iommi qui délivre un solo tortueux et crunchy, très blues sous la couche sonore tellurique, on revient au riff de basse et drums jungle avec bord de caisse claire frappé, quel labyrinthe, donne-nous un plan Tony, tous ces riffs, ça repart, on finit sur celui de basse qui expire, enfin ["Hand of Doom"]... tournoiement vrombissant de guitare moustique, quatre gnons d'accord de puissance et Geezer qui rugit, sans transition (pour quoi faire ?), un riff classique, étourdissant, de Iommi qui laisse tomber les accords heavy pour des notes speed jubilatoires, Geezer se plaque dessus, des baffes d'accords comme toujours pour couper le tout, Ward en show-off total fait le ménage sur ses toms, Iommi plonge dans les aigus, Geezer reste dans le contrepoint bavard, un solo direct sur un rythme heurté et hypnotique très sixties, retours ponctuels des riffs bien sûr, Ward fait des merveilles, part en solo équarrisseur pour de bon cette fois-ci, son "Moby Dick" à lui, les toms, pas le pied de grosse caisse, avant tout ["Rat Salad"]... un riff blues-jazzy ouaté d'écho, de toute beauté, Ward se la joue tribal, Iommi, à l'aise, conduit le titre, part en solo gorgé de feeling, Geezer nettoie toutes les cases de sa basse moelleuse en walking bass enveloppante et cajoleuse, Iommi est un jazzman qui se cache sous un pentacle, quelques power-chords bien frappées tout de même, Ward sait ce qu'il a à faire et festonne le tout de tremblements de peaux, un deuxième palier et un autre solo sur chapelets de notes tournoyantes d'une basse, un petit break des drums et hop devinez quoi un boogie taloché qu'on fait tourner en version mute, le son est gros, Ozzy en verve parano-homophobique se sent aussi menaçé par la dope ("Goin home, late last night / Suddenly I got a fright / Yeah I looked through the window and surprised what I saw / Fairy boots were dancing with a dwarf"), riff éclaté dans les baffles en fin de strophe, Ozzy gueule, du énorme en rotation, la Gibson ténébreuse part en grands accords à franges, se dissous en petits soli aigus doublés, nourris de blues, Ward et Geezer jouent la proximité, on frotte le tout comme un seul homme sur la caisse claire en ébullition, un enchaînement impeccable sur le riff d'intro, Geezer fait visiter sa basse barbelée et commente, Iommi un solo jazzy en glissés, retour de Ward qu'on écouterait en boucle, tiens le deuxième riff à nouveau là lui aussi, on mute, Ozzy en coulisses revient, même programme, ultimes explosions riffesques, Ward cogne ses cymbales pour chasser l'air du riff, pas un souffle, on remplit tout, Ozzy lâche un "yeah!" éthylique inimitable, la fin en notes macabres, un dernier riff sur chassé-croisé d'octaves de basse, un vent funeste qui plane dans les enceintes ["Fairies Wear Boots"]...

Down: Rien du tout...