Captain Beefheart And The Magic Band: Clear Spot (1972)

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"I like Clear Spot. It's my favourite album of all I've done. Because the group's getting together. The album was written in two hours in a station wagon going to a job. It was the way I felt at that time..." (Captain Beefheart)

Where: Recorded at Warner Studios

When: 1972

Who: Don Van Vliet aka Captain Beefheart (guitar, harmonica, keyboards, arranger, vocals), Zoot Horn Rollo (solo guitar, steel appendage guitar, glass finger and mandolin), Rockette Morton (bass, rythm guitar), Russ Titelman (guitar), Roy "Oréjon" Estrada (bass), Mark Boston (bass, guitar), Bill Harkleroad (guitar), Milt Holland (percussion), Ed Marimba (drums, tattoos and percussion), Art Tripp (drums, keyboards)

What: 1. Low Yo Yo Stuff 2. Nowadays a Woman's Gotta Hit A Man 3. Too Much Time 4. Circumstances 5. My Head Is My Only House Unless It Rains 6. Sun Zoom Spark 7. Clear Spot 8. Crazy Little Thing 9. Long Neck Bottles 10. Her Eyes Are A Blue Million Miles 11. Big Eyed Beans from Venus 12. Golden Birdies

How: Produced by Ted Templeman

Up: beau riff poisseux du bayou, cow bell et frises de caisse claire, la voix puissante du Captain se pose sur des nappes de slide, une basse fusante et des drums frétillants, à 1"03 break de guitare impromptu avec petit riff du sud, guitares superbement singulières à l'unisson, tout en ruptures, un groove systématiquement maté, la slide se fait onctueuse, des percus presque calypso, un solo - ou apparenté - de six-cordes, et cette incroyable voix de stentor blues d'un Howlin' wolf dada jouant les bluesmen finauds (" What if my girlfriend back home / Finds out what my fingers have been doing / On my guitar since I been gone?") ["Low Yo Yo Stuff"]... intro de batterie pour un incontournable beat Bo Diddley, le Captain lâche un solo d'harmonica aux reflets wahwahisés, grattes saturées d'essence stonienne, ça bavarde entre les baffles gauche et droite, un chouïa de sax par-dessus, des cuivres aussi, un wall of sound beefheartien en tambouille louisianaise, on empile et on rempile, le Captain délaisse sa poésie pour des conseils pratiques jaillis de son coffre ("Men you been lookin' all around for the women / But they always been right there / Nowadays a woman has to haul off and hit a man / T' make him know she's there"), les cuivres s'invitent, à 2"06 solo de slide méchante, ça couine dans le bas du manche, du vaudou sonore en somme sur des guitares keithesques ["Nowadays A Woman's Gotta Hit A Man"]... riff serein, en éclosion lente sur percus sensibles, entrée efficace des drums et des cuivres, la voix splendide de Van Vliet prend des sonorités soul, Zoot joue à Steve Cropper en tricotant des motifs modestes, break riffé un peu pittoresque pour rester dans l'esprit, chœurs incandescents des Blackberries et visées Stax, guitares débrouillardes, talking-over surréaliste ("Sometimes when it's late and I'm a little bit hungry I heat / Up some old stale beans, open up a can of sardines / Eat crackers and dreams of somebody to cook for me") ["Too Much Time"]... riff et voix tellurique à l'unisson, presque du hard blues, harmonica potelé sursaturé, batterie créative, grattes aerosmithesques en rythmique l'air de rien, break iconoclaste avec roulements militaires et riff binaire en suspens, wah-wah qui dégouline, on stoppe tout, silence, on repart sur un riff à la Keith, le Captain déclame ses vers dada apocalyptiques ("Once you find out the circumstances / Then you can uh go out, whoa yeah"), prend un harmonica qui traîne et souffle dedans, on remet le break silencieux pour la dernière ligne droite, une structure derrière tout ça, c'est sûr, mais où ? who cares anyway ["Circumstances"]... tiens, encore un riff, proto-new wave celui-là, fractalisé d'enluminures de Fender cristallines, Don prend sa tessiture la plus accorte ("I'll let a train be my feet / If it's too far to walk to you / If a train don't go there I'll get a jet or a bus / Because I'm going to find you)", une voix crépusculaire, habitée, chargée de drames tus, les guitares se renouvellent constamment en motifs renversants pour un pont déchirant, une ballade, oui, mais pas pour la radio, un lyrisme pudiquement enfoui, poignant, servi par un talent brut insoupçonné, insurpassé ["My Head Is My Only House Unless It Rains"]... riff poupard de la Bible Belt, bavardage en finesse de Zoot Horn Rollo et Rockette Morton, Don tout en gausserie nasale ("Nothing makes it move / From the bottom to the top / Does it start at the bottom? / Or does it start at the top?"), sous une dégringolade de percus, une basse vaguement funky d'Estrada, une louche d'harmonica sur un accompagnement réduit, la cowbell mugit à l'envi, un solo attaqué en bas du manche, ça pilonne dans tous les sens, de la slide en surcouche, évidemment, du blues tout simplement ["Sun Zoom Spark"]... riff tremolo zarb vite perverti sur basse-batterie épurées, guitares sorties trempées d'un swamp, charge duale de riffs pour écouter les contes touchants du Captain ("I have to run so far to find a clear spot / Sun's all hottin' and a rottin' hot / Swamp's all rotten 'n stinkin' uhh / Vegetation's hot"), césure brutale, retour du riff chromatique, Don nous ressert un coup d'harmonica, les guitares se font oppressantes et liquoreuses, un bouillon vaudou narcotique ["Clear Spot"]... encore une slide en flammes, avec basse-batterie funky cette fois, le Captain rappe dix avant la mode, combien de guitares derrière ?, percus reptiliennes et sablonneuses, des backing vocals qui font chaud partout, Don nous embarque dans une nouvelle histoire ("How'd ya get it all to move so smooth and lazy / How'd ya learn to talk real low like that / To where it makes all the men go crazy"), impériales guitares jamais menacées de virtuosité, cadeau : un solo de slide fabuleux, quelle fête ["Crazy Little Thing"]... la basse aux commandes, le Captain sort son harmonica, une six-cordes bien grave en soutien, un sax en contrepoint, des gros riffs d'accords, le Sud ricain, et cette voix stupéfiante, graveleuse pour l'occasion ("One night she started drinking / Down by the river / She tied up the river / And backed the ocean down / I don't like to talk about none of my women / But this one sure could hold her long neck bottle beer down"), les guitares sont proprement magnifiques, un couloir bodiddleyien ou presque, un solo d'harmonica dans un fatras sonore surréaliste savamment étudié, une guitare ici, un sax là, une autre guitare, tiens, et puis un solo déjanté qui déboule sans qu'on s'y attende - joyau de l'album - une purée blues à base de tourbe pentatonique ["Long Neck Bottles"]... riff minimal vite éclos sur une rythmique hoquetante, voix de Captain Beefheart à se pendre, une batterie essentielle, arpèges automnaux, petites fioritures finales de six-cordes, accents incroyables de Van Vliet pour sa femme ["Her Eyes Are A Blue Million Miles"]... riff zeppelinophile vicieux dans les graves, renforcé à deux grattes, Captain menaçant, voix eschatologique ("Distant cousins, there's a limited supply / And we're down to the dozens, and this is why: / Big Eyed Beans from Venus! Oh my, oh my!"), lance le solo d'un immortel "Mr Zoot Horn Rollo, hit that long lunar note and let it float", un break en silence sur une nappe de slide dérapante qui finit par crever dans les baffles, riff ou quasi à la batterie irrésistible, envolée lyrique dans un bourbier moite sudiste entre deux avertissements sibyllins ("Ain't no SNAFU, no fol-de-rol!!!"), l'entente entre les deux guitares confine au génie pur, le Captain à la barre, pas besoin de vigie en hune, c'est un chef-d'œuvre ["Big Eyed Beans from Venus"]... voix sépulcrale de Van Vliet pour un poème dada blues-free sur xylophone et marimba, compo zappaïenne, le Captain envoie ses "wings on Singabus" - pour initiés - sur une batterie fantastique et déverse un flux poétique californien ("Shish sookie singabus / Snored like a red merry-go-round horse / And an acid gold bar swirled up and down, / Up and down, in back of the singabus / And the panataloon duck white goose neck quacked / webcore, webcore"), encore du masterpiece en barres ["Golden Birdies"]...

Down: Rien, si ce n'est le scandaleux silence qui entoure l'œuvre de celui qui est encore présenté comme un vague pote de Zappa...