Genesis: Selling England By The Pound (1973)

#genesis

"Those early Genesis albums are just a reflection of where the band was at, along with the music we were individually listening to. When we recorded Foxtrot, Selling England By The Pound, and Nursery Cryme, the Mahavishnu Orchestra with Billy Cobham were very much in vogue. Their style of playing odd time signatures and complex rhythmic figures influenced our music. Personally speaking, I feel I was trying to do a little too much on those early albums. I was trying to prove to people that I could play. In doing so I wasn't necessarily playing what the music required. We were collectively guilty of that as a group. You tend to try to prove what you're capable of musically and make the mistake of displaying that technical ability at every opportunity. Something like that only resolves itself as you gain maturity as a player and as a person. You eventually feel comfortable playing something very simple if that's all the music requires. Our music didn't consist solely of complex arrangements though. If you look back upon Selling England By The Pound you'll find a song like The Cinema Show,' which has a very elaborate arrangement and is played in seven. Next to it isI Know What I Like,' which is very much a straight ahead progressive Beatles rocker..." (Phil Collins)

Where: Recorded at Charisma studios

When: November 1973

Who: Peter Gabriel (flute, percussion, oboe, vocals), Steve Hackett (bass, guitar), Mike Rutherford (bass, 12-string guitar, double bass, sitar), Tony Banks (keyboards, 12-string guitar, vocals), Phil Collins ( percussion, drums, vocals)

What: 1. Dancing With The Moonlit Knight 2. I Know What I Like (In Your Wardrobe) 3. Firth Of Fifth 4. More Fool Me 5. The Battle Of Epping Forest 6. After The Ordeal 7. The Cinema Show 8. Aisle of Plenty

How: Produced by John Burns & Genesis

Up: "'Can you tell me where my country lies?' / Said the unifaun to his true love's eyes / 'It lies with me!' cried the Queen of Maybe / For her merchandise, he traded in his prize", entrée des guitares clavecins sur un clavier en apesanteur, une mélancolie à se pendre, entrelacs d'arpèges, un piano s'invite à la cour, beauté médiévale vue par le prisme romantique, gouttes de piano, les touches de droite, Gabriel conclut sa première saynète "Selling England by the pound", Collins s'insère avec discrétion et porte une petite phrase moyenâgeuse syncopée avec contrepoint de basse, des nappes de clavier très lointaines, des chœurs éthérés, frise de batterie et ascension religieuse des voix qui s'épanouit sur des drums affranchis, un clavier de foire médiévale qui riffe, le tout devient très lourd sur les charleys de Collins, un solo immédiat, souple et délié de Hackett qui dégorge en majesté, à volume moyen derrière une excitation de gratte en basse informe et discrète, des accords exutoires et un deuxième solo en phrase triomphante et proto-tapping, une ambiance vaguement angoissante, une montée vers les cieux avec accords stoppés, Gabriel reprend la main ("There's a fat old lady outside the saloon / Laying out the credit cards she plays Fortune / The deck is uneven right from the start / All of their hands are playing apart"), on re-re-riffe, un pont zébulon complexe avec basse-claviers-batterie comme un seul homme, Hackett récupère le lead, Collins monstrueux de technicité et de puissance, on coule vers un passage d'accords extatiques, arpèges se font sereins et meurent doucement sur des notes rassurantes de claviers, du fond déjà des arpèges cristallins et duveteux s'approchent d'un coup d'ailes, note haute d'orgue à l'horizon, ambiance enfin apaisée et ultimes notes arthuriennes et crémeuses de Hackett ["Dancing With The Moonlit Knight"]... distorsion d'orgue sur note grave, percus sur fûts aquatiques, Gabriel fredonne un nouveau limerick, entrée éléphantesque de Collins, tout le monde se met aux chœurs, on grimpe vers un refrain à claviers choucroute avec basse alpiniste, un titre pop en fait avec aigus finaux de gorges limitées, Collins tape fort, un passage afro à la Manu Di Bango, refrain accrocheur et percus inventives, déplacées presque, encore une louche de refrain, un talk-over de Peter sur les bidons d'eau, de la flûte par dessus, de l'orgue, Gabriel multiplie les personnages et s'en amuse, finale sur orgue grave ["I Know What I Like (In Your Wardrobe)"]... intro grandiose et virtuose de piano classique, on dépasse les deux minutes, Banks en met plein la vue et parcourt les touches avec célérité, agilité et décontraction pour remettre les pendules jazz à l'heure, Gabriel entonne d'une voix tragique, au beau grave une intro cryptique ("The path is clear / Though no eyes can see / The course laid down long before / And so with gods and men / The sheep remain inside their pen / Though many times they've seen the way to leave"), batterie monumentale, claviers de Banks, dont c'est la fête, en avant et guitare en retrait, changement d'accord efficace pour une structure presque simple, on stoppe sur des arpèges et des accords flangés, un petit solo en pédale de volume de Hackett quand même, retour des backing vocals angéliques sur accords planants, tout est calme et inquiétant, du mellotron en renfort, Peter, habité, continue ("Undinal songs / Urge the sailors on / Till lured by sirens' cry") puis notes explosives de piano sur une guitare en tortures, un motif inoubliable de 5 notes superbes de basse pour asseoir un riff de flûte à pleurer, on fait tourner, le riff tournoie, Collins sur ses cymbales caressantes, un état de grâce, le solo de piano peut commencer, la basse, confiante, ponctue de notes rares, Banks libère un solo pompier turgescent, Collins et Rutherford ont du mal à cacher leur virtuosité, ça cogne gentiment en fait, une note libératoire, Hackett qui a été très patient, dandine un peu en hammer, la basse et les drums sont stupéfiants, Hackett continue, des petits gargarismes, en sons flûtés et veloutés en écho lointain, une note tenue à l'infini et, en flagrant délit de génie pur, lance un motif immédiatement classique en notes lacrymales étourdies de douleur voluptueuse, qu'on écouterait en boucle, coups de mellotron cinglant pompé sur le Roi Pourpre, arpèges frippiens too, Hackett se porte vers un pont, ne pas se presser, à l'aise, c'est magnifique pour tout dire, Collins est carrément colossal, une note expiatoire, un nouveau palier, Banks prend le relais en accords religieux, le solo de Hackett est-il fini, retour de Gabriel ("Now as the river dissolves in sea / So Neptune has claimed another soul / And so with gods and men / The sheep remain inside their pen / Until the Shepherd leads his flock away") en accords grandiloquents, piano liquide pour finir ["Firth Of Fifth"]... signe d'un changement certain : une structure toute bête et Phil Collins au chant tout seul pour la première fois, du rock pas vraiment progressif sur des accords caressés à l'acoustique, Phil tout en voix aiguë, déjà un peu couacante, mais cruellement supérieure à Gabriel, une envolée de rigueur pour le refrain, une ballade acoustique avec des morceaux de Moyen-Age dedans, belles guitares de la partie of course ["More Fool Me"]... intro en caisse claire militaire avec flûte fifre, enchaînement avec orgue nasillard et basse-batterie d'exception, ça devient complexe, quelques phrases de guitares, une basse virevoltante sur des drums décalés avec malice, la bataille des gangs selon Genesis et surtout Gabriel, tout en jeux de mots et personnages aux noms improbables ("There's Willy Wright and his boys / One helluva noise, that's Billy's boys! / With fully-fashioned mugs, that's Little John's thugs / The Barking Slugs - supersmugs! / For today is the day when they sort it out, sort it out / These Christian soldiers fight to protect the poor / East end heroes got to score in..."), Collins et Rutherford prennent leur pied, on attaque tout de suite le refrain, bien complexe aussi et heurté à souhait mais avec une descente de piano saloon incompréhensible à la ELP, on laisse tourner en sourdine la basse-batterie virtuoses, Gabriel bavasse, déjà un solo de claviers qui s'envole en triolets aériens, Collins fait tout ce qu'il peut pour ne pas déranger avec sa frappe puissante, Hackett joue encore avec la pédale de volume, un beau palier ("Admidst the battle roar / accountants keep the score: 10-4 / They've never been alone, after getting a radiophone / The bluebells are ringing for Sweetmeal Sam, real ham / handing out bread and jam just like any picnic"), riffs de clavier, on stoppe sur Banks en accords noyés d'échos et de petites phrases papillonnantes sur des cymbales frissonnées, Gabriel s'en donne à cœur joie avec ses personnages et ses rôles, un break et un passage en accords positifs et descente d'arpèges nauséeuse, Peter est très bavard, on glisse un piano waltz et on revient au refrain de piano cow-boy, et re-solo de clavier en triolets, on fait durer l'accompagnement exceptionnel de Collins et Rutherford pour que Gabriel finisse la lecture de son bottin, Hackett place quand même un solo final lumineux, qui s'énerve en beauté avec des phrases claires : stop ["The Battle Of Epping Forest"]... intro superbe, médiévale bien sûr, arpèges démultipliés, le piano qui suit, Hackett dans ses œuvres, piano liquide et superbe, Genesis, dinosaure mais tout en émotion, un instrumental tout en construction magnifique, on se promène à la cour de Arthur, tout est en suspension enivrante, des grappes d'accords ensoleillées et romantiques, entrée tardive de la batterie sur basse minimaliste et solo électrique pleureur en chuchotis de fuzz, une mélancolie prenante, un peu de flûte et du fouillis guitare et claviers ["After The Ordeal"]... accord cristallins renversants, direct au cœur, à la basse splendide, doublés, envoûtants, se font progressivement encore plus planants, Banks entre en grâce, Gabriel retrouve sa plus belle voix ("Home from work our Juliet / Clears her morning meal / She dabs her skin with pretty smells / Concealing to appeal"), on subodore illico le chef-d'œuvre intégral, passage immédiat en chœurs béats et voix falsetto en aigus caressants ("I will make my bed / She said, but turned to go / Can she be late for her cinema show?"), on voudrait que ça dure indéfiniment, entrée des drums pachydermiques de Phil, tout en ultra-violence contenue, guitare coulante comme du miel, un accompagnement subtil, presque indéchiffrable, aux ambiances fortes et insaisissables, les arpèges reviennent en beauté avec succession d'accords purs et limpides, une symphonie avec un solo de cor et des percussions, la flûte du faune Gabriel en solo forestier, des hauteurs rarement atteintes, un gimmick vocal irrésistible ("na na na na") repris par le groupe, en canon s'il vous plaît, une cathédrale vocale gothique en flamboyances, Hackett balance ses soli fondus en pédale de volume, un passage tango haché pour le solo de clavier qui avance doucement, Rutherford et Collins jouent à Squire et Bruford, solo éblouissant de claviers en volutes, quelle rythmique, Banks prend son temps puis décolle sur des backing vocals libérés, Collins s'énerve, on repart sur un solo en son aqueux grisant, des accords de piano baffés au lointain, on s'accroche à sa phrase en descente, imperceptiblement Collins grossit, devient menaçant, un boléro, une explosion, le solo se poursuit, on rejoint in extremis la mélodie du tout début, masterpiece intégrale, on vous dit ["The Cinema Show"]... une coda en forme de reprise de la mélodie du premier titre, rappel superbe, mélancolique bien sûr, déjà fini ["Aisle of Plenty"]...

Down: Le chant, expressif mais si limité, de Gabriel qui s'aventure parfois dans des hauteurs égosillées douloureuses - et l'extraordinaire jeu de Collins, si peu célébré, et anéanti depuis dans une carrière solo pour radio...