Jack Bruce: Songs For A Tailor (1969)

#jack-bruce

"I had wanted to make a true solo album some time before Cream split up. I wanted the feel of the record to be very different to Cream as I had so much more instrumentation to play with. Part of my frustration with Cream was that it was such a limited band in the studio and on stage. I think using people like Chris Spedding on guitar, who was the total antithesis to Eric in terms of playing, helped make a different sound..." (Jack Bruce)

Where: Recorded at Morgan Studios, Willesden, London

When: Septembre 1969

Who: Jack Bruce (guitar, piano, organ, cello, bass, vocals), Chris Spedding (guitar), George Harrison (guitar), Dick Heckstall-Smith (tenor saxophone), Art Themen (soprano saxophone), Harry Becket (trumpet), Henry Lowther (trumpet), John Mumford (trombone), Felix Pappalardi (vocals), John Hiseman (drums), John Marshall (drums)

What: 1. Never Tell Your Mother She's Out Of Tune 2. Theme From An Imaginary Western 3. Tickets To Waterfalls 4. Weird Of Hermiston 5. Rope Ladder To The Moon 6. The Ministry Of Bag 7. He The Richmond 8. Boston Ball Game 1967 9. To Isengard 10. The Clearout

How: Produced by Felix Pappalardi

Up: basse grognante sur charleys trémoussés et trompettes barrissantes pour une intro novatrice époustouflante, accords flamboyants pour ouvrir la voie au chant puissant de Bruce qui installe un rythme cubiste maison, quatre-cordes colossale envoyée au front et cuivres qui assurent les arrières, Bruce tout en panache, structure complexe cachée sous une fausse pop radieuse, basse qui pilonne et trompettes qui ricanent, un piano bastringue - toujours Jack - , le scarabée l'Angelo pas vraiment Misterioso à la gratte un peu perdue dans le mix, une couche supplémentaire de cuivres avec Heckstall-Smith, Themen, Becket et Lowther à toutes les embouchures, un solo trompette, un solo sax, la basse rugit, Bruce jovial chante sa joie de vivre sur des lyrics sixties de son pote poète Pete ("They say there are men who are blue like me in the stars / Beards for the weird and bars for bizarre guitarmen / Fortunately baby I'd already joined the force"), balance quand même des rafales de basse fuzzée autour des temps de Hiseman, quelle compo, du pop-jazz étincelant ["Never Tell Your Mother She's Out Of Tune"]... mieux que Mountain assurément, Jack se charge de l'intro mélancolique au piano, Spedding le studio shark fraye derrière, chant funeste, Jack, au clavier d'origine aussi, sait faire taire sa basse pour un soutien magnifique, tout en retenue, une envolée poignante hommage aux défricheurs british de blues ("O the sun was in their eyes / And the desert that dries / In the country towns / Where the laughter sounds") avec clin d'œil nostalgique à la Graham Bond Organisation sur syncopes de basse et nappes généreuses de claviers, arpèges et fills efficaces de Chris, une sobriété virtuose de la basse effacée au profit de l'émotion, un chant solaire sur des claviers célestes, Spedding tire son épingle du jeu sans faire de l'ombre à la compo, superbe retenue d'un trio repoussant toutes les tentations de virtuosité ["Theme From An Imaginary Western"]... sublime intro mineure cascadante au piano courtesy of Jack, bascule imprévue dans une pop sixties vintage déjà datée en rythmique avec basse compresseur en soutien, une riche suite d'accords pour amener une ascension - assomption ? - aux tonalités progressives, voix pleinement épanouie de Bruce, complexité jazzy sur la fin de strophe l'air de rien pour éviter la vulgarité rock, Spedding vise une trouée et prend le solo sur une batterie complexe, la pop-jazz se fait psyché, Jack ajoute des claviers, tonalité singulière du titre d'où sourd une anxiété lysergique ("You worked my blisters to the bone / Playing songs of tiny men and bridges in wine"), gourmand, Bruce, lui se régale et jubile au micro, Spedding place quelques plans in extremis, quelle compo encore ["Tickets To Waterfalls"]... une autre intro en perles de miel sonore, malmenée par l'entrée de la quatre-cordes titanesque de Bruce, voix angoissée et funèbres lyrics creamesques de Brown ("Trees are no longer a comfort / Messages sad in the wires / My hair is hung down with the blackest of rain that I'm feeling") pour un feeling écossais sur les brisées de Robert Louis Stevenson, les chœurs aussi ramènent au célèbre trio londonien honni, Jack fait rugir la basse et assure une partie de piano superbe, quelques pointes de vitesse épileptiques à la basse pour chercher noise aux drums virtuoses de Hiseman, on finit en jam piano jazzy ["Weird Of Hermiston"]... guitare acoustique et basse éléphantesque pour l'intro, Jack sort le violoncelle hanté, chant pressé ("You asked me to a party / To a house by the moon / You gave me silver loving / The end was all too soon") et backing vocals à la "As you said" de Cream, l'ami Felix en renfort aux vocals, encore une compo à la beauté proprement surréaliste, Bruce fait dégorger sa basse gloutonne en accélérations frénétiques, explose au chant souple, nerveux et radieux, se délecte d'un folk post-moderne à la construction complexe enfouie sous une spontanéité virtuose, marque des grands ["Rope Ladder To The Moon"]... retour au blues délaissé, "Electric Flag" haut brandi, Jack se défait de la formule trio et convoque tous ses potes, Spedding a le droit de riffer fort, la quatre-cordes de Jack bougonnante au mirador, voix éclatante comme toujours ("It's all tripe and no liver / At the cafe of the Neat / The cooks jumped in the river / The menu smells of feet"), un beau groove blues avec des morceaux de pop dedans, cuivres enjoués et rythmique riche, Hiseman dépoussière les fûts et martyrise les peaux, pieds compris, Chris ponce sa gratte comme en dehors des temps, Bruce vocalise des "yeah yeah" contagieux, les années Clapton sont loin, Jack est libre, affranchi, heureux peut-être, et tient à le faire entendre ["The Ministry Of Bag"]... intro acoustique avec rythmique folk-bluesy enlevée, rapidement rompue, du folk-jazz peut-être en fait, Jack, basse jacteuse en main, assène encore d'étranges histoires ("O the rivers and the seas and you that ride them forever / They called my name to your darkened ranks to leave them forever") enrichies de chœurs graves par Pappalardi, ajoute ses aigus perso, décidément proche du "As you said" du Wheels Of Fire, Bruce pousse des aigus superbes, la basse ronfle et roule sur ses beaux riffs acoustiques et Marshall fait des merveilles ["He The Richmond"]... la basse gargantuesque directement pour l'intro sur fond de mains clappées et cuivres graves, un piano de saloon - Jack aux touches, of course - quelques tonalités soul ou presque, après "I Feel Free" et "Sunshine Of Your Love", Bruce nous remet un coup de chant doublé en canon et fait sautiller ses lignes de basse façon blues, monte le ton, parties vocales fractales qui éreintent les rednecks, les sax s'égosillent, en 1"44 c'est fini ["Boston Ball Game 1967"]... arpèges comme une ligne de basse acoustique sur guitares folks touchées par la grâce, voix lyrique nichée dans le fausset, Pappalardi grossit le rang des chœurs séraphins, trois minutes d'épure puis bascule dans un jazz-rock haché par une quatre-cordes méchamment courroucée, accords enchaînés avec fills ingénieux de Chris, du hard-jazz ?, Spedding branche la wah wah et lance un solo bruitiste déjanté, Bruce visite les aigus de sa Gibson SG fuzzante, la caisse claire de Hiseman rougeoie, compo en hydre à deux têtes ["To Isengard"]... intro militaire et rythme de comptine pour une improbable chute de Disraeli Gears, rafles de gratte, basse énorme sous des lyrics lysergiques de Brown ("Breakfast is goodnight / Yesterdays are old meals now / Times ripe for clearout!"), la batterie continue son concassage kaki de caisse claire, sur le pont tout décolle vers des territoires pop bienvenus mais les accords restent déglingués, du hard-jazz à nouveau, la basse de Bruce barrit béatement, Spedding plaque des accords à la Townshend, un pont magnifique et un titre comme toujours surprenant et novateur ["The Clearout"]...

Down: Rien, du tout du tout...