Jeff Beck: Beck-Ola (Cosa Nostra) (1969)

#jeff-beck #the-yardbirds

"I think [Satriani or any of the newer players]'ve perfected their style and that's pretty much it in a nutshell. I just wonder where they're going to go musically. Not just technique-wise because they've done that. A lot of solos I hear sound so incredible, but they sound like somebody practicing. You know? They sound a bit soulless - fiery, but at the same time, lacking in spirit and soul.[...] There's such similarities among the guitarists. At the end of the day, there are a hell of a lot of notes being played out there and I defy the average middle-American or the average punter to differentiate between them. When you sit down and really listen, then you can obviously tell who's got what chops going. But they play so fast and hammer-ons and all that, it's got to the point where the human ear can't really receive that information at that speed anymore..." (Jeff Beck)

Where: Recorded at De Lane Lea Studios

When: June 1969

Who: Rod Stewart (vocals), Jeff Beck (bass, guitar), Ron Wood (guitar, bass), Tony Newman (drums)

What: 1. All Shook Up 2. Spanish Boots 3. Girl From Mill Valley 4. Jailhouse Rock 5. Plynth (Water Down The Drain) 6. The Hangman's Knee 7. Rice Pudding

How: Produced by Mickie Most

Up: roulement à la grâce pachydermique, piano léger et grosse basse qui installe un groove soul, Jeff insère ses premiers salves arqué sur son manche, du honky tonk hard ralenti, avec les crissements de Beck qui tricote ses cordes, un groove énorme à la Led Zep mais avec des teintes jazzy, batterie musculeuse et piano boogie en soutien, la voix rocailleuse du splendide Rod comme un instrument de plus, la montée chromatique splendide sur fond de piqués beckiens, c'est le piano qui assure la légèreté du gros vaisseau, Beck tournoie autour de la rythmique, fond sur elle, donne un coup de, euh, bec, repart dans les airs et surveille, les breaks semblent de plus en plus appuyés et la basse de Ronnie prête à exploser, on l'attend la montée jouissive à l'unisson, avec Nicky qui plaque carrément des accords presque et exceptionnellement énervés sur les temps, Jeff mitraille à tout va, sûr de tuer, et on arrête tout autour du piano aérien de Nicky, Jeff piaffe et tire sur la corde, la gratte pousse des petits cris d'impatience, Rod sait qu'il est à ce moment dans le top three des chanteurs de hard blues, Paul et Robert en concurrents bien sûr, la pulsation mammouth quand même pour faire la nique au Dirigeable, Jeff de toutes les grattes, sans jamais être envahissant, un solo tortueux dans les graves, on monte d'un cran poussé au cul par une gratte encore plus crasseuse sur basse funky, l'état de grâce avec clin d'œil à Presley, bien sûr ["All Shook Up"]... début violent, du funk hard, gros son barnum et voix blues écorchée de Rod, Ron et ses parties de basse destroy sur une batterie en breaks perpétuels claquants, Jeff tout à ses fills vicieux et étiques, à gauche, à droite, des silences aussi, comme Led Zep a compris que les dynamiques étaient fondamentales plutôt qu'un gros son à la Blue Cheer, un petit break et la basse barbelée en échappée, Jeff en profite pour déployer un solo d'un lyrisme qui n'appartient qu'à lui, vibrato épileptique et break dément en prime, Rod extraordinaire et spontané pourrait nous lire le bottin, basse profonde et killer drums pour un riff méchamment haché, Jeff entrecroise ses soli acides comme au temps des rave-ups yardbirdsiennes, Nicky veille à préserver une souplesse gracieuse, cri splendide de Rod loin derrière le micro, belle compo au passage, on s'arrête comme une mauvaise jam, un beat qui s'installe sur des accords incertains, un piano qui s'épanche timidement, la basse qui enfle, des riffs qui commencent à lézarder l'édifice et soudain la basse thrash de Ron qui prend la tangente, "yeah" commente Rod, y a plus que Ron et Tony qui s'amusent là et tout le monde écoute ["Spanish Boots"]... la grande ballade sudiste de l'anglais au piano avec basse classieuse, petits apartés de Jeff, un clavier, deux pianos par-dessus, un interlude, un "Black Mountain Side" en touches noires et blanches, pour remplir le disque et aérer la pièce ["Girl From Mill Valley"]... deuxième reprise d'Elvis au cas où la révolution passerait inaperçue, nécessité fait loi, pas des compositeurs non plus les gars faut admettre, ça cogne, tout est plus fort et plus saturé que jamais, la célèbre intro d'accords ici tout gras, avec feedback méchant et la voix rêche de Rod, le fameux riff qui éclate en version obèse de basse balourde, ralentie, incroyable, ça swingue comme du calypso joué par des Estoniens, plus lourd et plus lent le morceau calait illico, Jeff s'égosille la Strat en fond puis soudain part en volute de solo pulpé hystérique, hammer-on et gros vibrato, le beat monstrueux en fond et accélération finale avec pointe de vitesse enfilée par Nicky lui-même, la rythmique se fait magma d'où émergent ça et là quelques cymbales, les baffes d'accords introductives reviennent, on relance le riff éléphantesque, Ron et sa basse qui a du bide mais fait du sport, le son est phénoménal, Jeff se prend un coup de chaud et rembraye un solo sidérant, du fond des chiottes, la rythmique constrictor qui l'étouffe mais Beck s'envole dans la stratosphère, recueille le dernier souffle de sa gratte, Rod en voix royale hérissée de barbelés et drums flamboyants, chef-d'œuvre d'une splendide laideur étudiée ["Jailhouse Rock"]... quelques notes de piano vaudeville pour commencer et soudain le riff sur basse galopante et pulsation de charleys avec gros accords hard à la Keith, mais ralenti, Rod module son larynx rocailleux, lapidaire plutôt, déjà un break funky, proche de celui du "Flight Of The Rat" du Purple un an plus tard d'ailleurs, drums costauds et congas, le riff concassé, comme un meuble qui se casse la gueule, brinquebalant donc solo fluide par-dessus vite bancal lui aussi, Jeff à l'aise dans ces rythmiques sans une once de grâce, des sprints pour montrer qui est le chef, ça repart sur des charleys essoufflés, comment compose-t-on un tel truc, Rod pousse quelques cris pour la postérité et se reprend une rasade, les grattes de Jeff qui commencent à boucher tous les trous, la basse ventre à terre et les congas fidèles au poste, de la soul hard peut-être ["Plynth (Water Down The Drain)"]... le blues monumental graissé et tenu sec en bride comme le "Jailhouse", les cymbales au-dessus de la mêlée, la basse lipidique de Ron fait la courte échelle à Jeff qui s'échappe, Rod à bout de voix nicotinée, un gros beat énorme, les grattes qui se dédoublent et le son violoneux de Jeff qui a dû tomber dans l'oreille de Ritchie, une rythmique un peu Boléro qui obsède le Jeff qui riffe en diagonale, l'indispensable Nicky qui maintient le gros vaisseau hard à flot, des micro-fills impérieux de Jeff qui glisse vers les aigus pour un peu de démonstration, continue au fond du couloir, rythmique créative et musculeuse comme toujours, les subtilités dans tous les coins, c'est Nicky qui prend le solo tranquille, du blues perverti, une walking-bass diabolique de Ron et Jeff qui reprend le gouvernail en sortant tous les artifices sur fond de bastonnage, une violence inouïe ["The Hangman's Knee"]... riff ultra-violent, seul Blue Öyster Cult saura refaire ça avec "Dominance And Submission", la basse à l'unisson et les drums tapageurs, on s'arrête sur une note feedback et un beat cardiaque de guingois menaçant, en attente mais de quoi, la basse, la gratte et les drums qui se toisent de quelques notes, Jeff fait gémir sa gratte dans un coin, ça démarre pas, Nicky ventile le tout avec superbe, soudain la note énorme, Jeff s'enfonce dans un tunnel, Nicky met quelques touches de country, Ron alourdit sa basse au cas où, roulements de Tony qui prend un peu de temps pour lui, une réussite totale mais comment ont-il écrit ça, stop puis go avec double grosse caisse vulgaire probablement, un côté Hendrix dans ces faux chromatismes, nouvel arrêt, coups de cymbales et arythmie cardiaque à nouveau, Jeff qui scie sa branche à côté, on cale et Nicky se décide à lancer un solo de piano gentleman, une structure direct pompée pour "Layla" de vous-savez-qui, soli entrelacés à la slide, très Boléro encore, avec des sonorités de plus en plus jazz-rock, ça le travaille El Becko, piano en apesanteur et basse funky ralentie, l'interaction entre les musiciens est sublime, dynamique des silences et des déflagrations, le piano qui s'emballe un peu, accompagnement discret et mesuré de Ron et Tony, la basse glapit quand même, tout est serein, atmosphère pastorale, les arpèges liquides de Nicky et la guitare crissante, un break à la Dire Straits, la basse qui laisse échapper des grognements, l'énervement général est manifeste, Nicky riffe comme sur "Let's Spend The Night Together" retour des drums et du riff violent, cymbales, roulements et soli hystériques avec finale du feu d'artifice en accélération collégiale incroyable ["Rice Pudding"]...

Down: Rien.