Little Feat: Little Feat (1971)

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"At about five years old, I started playing harmonica. Taking lessons and learning all the notes. A teacher taught me how to read music, and all the time I was faking it... playing by ear. He'd say, "Hold that note." And I'd go humm. And he'd go, "No, that's not it." And then I would say, "You play it first..." which in terms of reading turned out to be a real drag. I never really did get to read a whole lot until I started playing flute and then... Music education at this stage is way out of the hands of the Board of Education. Most kids learn to play music completely disassociated from school. They learn in another place. They learn from private teachers if they're classically oriented and they learn from records if they learn how to play... other kinds of music. The elementary school system has almost no business trying to teach music. Only at the college level does it ever get anywhere... maybe one out of fifty kids get some kind of information that is useful later..." (Lowell George)

Where: Recorded at Warner StudiosWhen: 1971Who: Lowell George (guitar, harmonica, vocals), Ry Cooder (guitar, bottleneck guitar), Elliot Ingber (guitar), Sneaky Pete Kleinow (pedal steel, steel pan), Fred Tackett (guitar, mandolin, trumpet), Roy Estrada (bass, vocals), Emilio Castillo (saxophone), Mic Gillette (horn), Kirby Johnson (horn and string arrangements), Stephen "Doc" Kupka (saxophone), Lenny Pickett (saxophone), Russ Titelman (percussion, piano, vocals), Bill Payne (percussion, keyboards, vocals), Richard Hayward (drums, vocals)What: 1. Snakes On Everything 2. Strawberry Flats 3. Truck Stop Girl 4. Brides Of Jesus 5. Willin' 6. Hamburger Midnight 7. Forty-Four Blues (How Many More Years) 8. Crack In Your Door 9. I've Been The One 10. Takin' My Time 11. Crazy Captain Gunboat WillieHow: Produced by Russ TitelmanUp: entrée bonhamesque de Hayward aux drums, la slide grumeleuse fait du tchou tchou, quelques touches de piano effleurées, les bottlenecks se complètent et se croisent, une voix chaude, ensoleillée et fatiguée se pose dessus, déjà un pont, beau, avec des choeurs très lointains, une fête de slide grasse et visqueuse pour un country-blues torride, des cuivres timides mais efficaces derrière pour pulser la chose sans concession commerciale, Ry Cooder ou Mick Taylor même combat, des gouttelettes de piano et des drums titanesques pour soutenir l'envol de la slide incandescente en solo, le piano prend le relais, classe, un titre âpre et caniculaire, quelques secondes de suspens finales avant une coda délurée, avec castagne de drums et slide qui suinte dans les enceintes ["Snakes On Everything"]...ambiance country plus marquée mais batterie toujours colossale, les vocaux chaleureux et le piano à la Nicky Hopkins, les arabesques des licks de slide bien sûr, accords percussifs, tous en choeurs pour le refrain, c'est le piano, l'air de rien, qui conduit un titre lourd à la structure éthérée, les accords sont mis à la chaîne avec science, complexes mais sans le montrer, même un petit refrain accrocheur, toujours des drums en avant, plus qu'à poser un solo, la gratte superbe s'en charge avec des dérapages de bottleneck en fusion et des fills de piano radieux, les voix montent un peu en tension, titre sublime, terrestre et aérien en même temps, un secret jalousement gardé ["Strawberry Flats"]...une ballade country, beaucoup d'accords encore, et fûts détonants, choeurs de veillée au coin du feu et piano lyrique, sans excès, beau et évident mais sans jamais sombrer dans la pop, les choeurs se posent sur des notes rares de piano, des drums seventies obèse et un chant fragile, sans rien derrière ou presque, pour raconter un camion, une nana, une highway et du vent ["Truck Stop Girl"]...accords frêles, Lowell en émotion, sur la basse d'Estrada qui vibre, les drums discrets cette fois-ci, la ballade décolle doucement, sur une même structure évanescente, un country-rock renversant et irrésistible truffé de progressions d'accords subtiles, les fûts cognent un peu plus fort forcément, les vocals toujours suspendus sur rien ou presque, une nappe de claviers au loin, un vague à l'âme redneck, le piano déverse l'émotion ambiante en notes soupirantes pour le solo, des cordes qui se greffent par-dessus quelques secondes, surtout ne pas en rajouter, crainte du vulgaire, le chant revient, plus agressif, plus plaintif aussi, Estrada balance des volutes de basse, un cocon de clavier et de cordes en retrait, bouche bée ["Brides Of Jesus"]...arpèges acoustiques sans prétention, évoluent en rythmique acoustique discrète, voix grave attaque drue, potatoes redneck plein la bouche, la slide se cale à droite et commente en spirales crépitantes et aigus chantilly, des attaques à la Al Perkins, Ry sans doute derrière tout ça, assagie la voix devient splendide, la slide sait se taire un peu et laisse respirer la rythmique presque folk de la gratte, du grand art, encore ["Willin'"]...retour des gros drums honkytonkesques à la Charlie Watts, piano lyrique à gauche, slide dégoulinante à droite, Lowell gueule, s'unit même aux descentes de bottleneck crasseuses, la slide toujours en avant malgré le gros rythme stonesque, on s'arrête un peu mais c'est pour laisser à nouveau entrer une slide déjantée, qui en rajoute dans les dérapages, le titre est même complètement arrêté sur des bavardages de studio, puis retour des fûts orageux avec basse funky et slide qui creuse son sillon, fraîcheur des apartés de piano en soutien, Lowell a fréquenté Captain Beefheart, ça s'entend ["Hamburger Midnight"]...blues mélange sacrilège de deux titres de Howlin' Wolf, propulsé par un martelage de touches de piano, une grosse guitare paresseuse accompagne les changements d'accords, presque parodique, la voix entre, encore chargée comme du Van Vliet, coupée de fills d'harmonica qui plus est, influence assumée, structure dépouillée cette fois-ci au profit d'un rythme un peu bancal, sans grâce et étouffant, le solo est pour l'harmonica, du Butterfield ralenti, la slide s'éveille dans le canal droit, on rattrape le petit riff en cours de solo, quelle étuve, le bottleneck tapi dans un coin fanfaronne moins, on se la joue matraquage tous ensemble, harmonica et le reste, à la Butterfield, un peu du côté de Chicago nos faux Sudistes en fait, échappée sur un nouveau petit rythme un peu mieux tenu, plus groovant sur harmonica chaud, tout le monde y va de son intervention ponctuelle, une note de guitare, un souffle d'harmonica, le fantôme de Van vliet à la voix, soudain l'attaque inattendue de slide vipérine à gauche, tout crispy, moins onctueuse, plus tranchante, pour un solo fabuleux, ça riffe un peu d'ailleurs, le piano répond dans une ambiance jam, Lowell reprend le chant s'accroche, on fait tourner sur un balancement fragile ["Forty-Four Blues (How Many More Years)"]...la basse d'Estrada qui rampe, le piano qui festonne, Lowell entame une nouvelle histoire improbable, roulements de drums et concassage commun avec piano énervé, la slide s'invite bien sûr sur la basse d'Estrada qui syncope gentiment, un petit "tale" country du Sud à la voix radieuse, un peu méchante, le solo de slide en cadeau, avec ces ruptures rythmiques, de la lave endiguée au goulot puis l'orgie d'électricité fluviale, la rythmique basse-batterie plutôt funky en fait, encore une compo évidente, aux accords fouillés l'air de rien ["Crack In Your Door"]...la voix tout en fragilité cachée encore, un peu de cordes, un piano léger et tragique, le bottleneck raccord choisit ses mots, une autre ballade country lumineuse, des arpèges et volutes à la Al Perkins à la pedal-steel tortueuse, une épure étoilée portée par le cheminement de la voix, solo de pedal-steel dépouillée de ses écueils hawaïens, beaucoup d'accords enchaînés pour diviser les mesures, puis des passages nus, trop court ["I've Been The One"]...piano grave et voix habitée, encore une ballade, mais en duo seulement cette fois-ci pour commencer, toujours cette émotion tue mais resplendissante, des cordes discrètes au possible ajoutées, des mesures disséquées en accords classe, le piano décolle doucement et s'installe, une trompette au loin, puis un passage instrumental conduit par le piano, cordes et trompettes au niveau sonore le plus bas, pour ne pas briser la magie, tout le contraire de Procol Harum, zéro esbroufe ["Takin' My Time"]...très rythmé funky, presque rock, sauf que choeurs bien country, accords bien marqués, des claviers gras en supplément, et retour des drums méchants, Estrada funke gentiment à la basse écrasée par les fûts tonitruants, toujours cette espèce de suspension aérienne mais ça redégringole bientôt, du Zappa comme modèle, les choeurs évoluent sans prévenir, une trompette à moitié fausse, un refrain quand même, du country-funk-rock pataphysique marqué du sceau de Van Vliet ["Crazy Captain Gunboat Willie"]...Down: Rien, que du bon - mais échec commercial oblige, on ne reprendra plus jamais Little Feat à faire du country-blues aussi épuré - et, en passant, on devait probablement entendre davantage Estrada sur les pressages d'origine...