Paranoid Revisited

#black-sabbath

50 ans aujourd'hui pour l'album fondateur du heavy metal. Le hard rock, ici dépouillé de ses racines blues, encore sensibles par endroits toutefois, trouvait une troisième assise après le décollage de certain Dirigeable et l'épiphanie In Rock de vous savez-qui. Ainsi constituée, la Sainte Trinité du genre partait à l'assaut des seventies, trois doubles hypostases à sa tête, Robert et Jimmy, Ian et Ritchie - et, sous une hideuse pochette unanimement détestée, Ozzy et Tony.

Classique oblige, les reprises se bousculent. Très peu se hissent au niveau des originaux, bien entendu.

1/ "War Pigs" (7:57)

Le metal proto-stoner à SG double-cornue, drums acrobatiques et basse rocailleuse en séides sataniques. Un "Walpurgis" pacifiste un peu malgré lui, le Vietnam scotché en toile de fond, les masses des généraux et les messes noires des sorcières convoquées autour des halètements de charleys de Bill qui composent un riff inoubliable, sans note. Sirène de raid aérien et bande accélérée en effets bricolo Hammer et "Luke's Wall" en outro. Tony était né dès le premier album, au tour d'Ozzy maintenant.

Revisited: Faith No More s'y colle audacieusement et le génial Patton investit le mythe avec crânerie. Ses tonalités de canard encore présentes, la caisse claire clinquante de la batterie et une fidélité trop empesée au modèle clouent l'exercice au sol.

2/ "Paranoid" (2:48)

Le metal boogie cette fois-ci, improvisé à la dernière minute, packagé illico en single, avec Tony en équarrissage paléo-thrash. Geezer et Bill, natures, ont horreur du vide et déblatèrent, Ozzy découvre les paroles en direct, "paranoid", au sens confondu avec "dépressif", sonne bien, on garde comme titre. Le "Communication Breakdown" de Led Zep en référence révérante.

Revisited: Birmingham qui monte dans le Nord, la synth-pop de Leeds, Marc Almond qui trafique avec jubilation un "Paranoid" de cabaret bontempisé.

3/ "Planet Caravan" (4:32)

L'héritage hippie, daubé par les lads des Midlands, n'interdit pas le flottement intersidéral à grosses bouffées opaques, la flûte stoned trafiquée en pièce à conviction. Bill, interdit de concassage, passe aux congas, Ozzy est filtré Leslie et Django Reinhardt tapote sur l'épaule de Tommy.

Revisited: réappropriation naturel du titre par la chamber pop de l'indie ricaine. Trop axée autour de la seule Leslie, une valeur ajoutée quasi-nulle mais une consécration, involontaire, du génie besogneux du Sab'.

4/ "Iron Man" (5:56)

No Marvel here, mais ambiance BD quand même, avec un Iron Man revenu du futur, pythie Terminator aux vains oracles apocalyptiques, des champs magnétiques surréalistes comme il se doit. Riff pédestre à la Godzilla, Ozzy un peu perdu, se cale dessus, chante la mélodie, ne s'en écarte pas, Tony ne lâche pas les cordes, sulfate en continu avec à peine, ici et là, une respiration, du heavy metal doom sauce Transformers.

Revisited: une évidence et une réussite. Al Jourgensen métallise davantage encore le titre et, sans sacrilège, le retourne comme un gant en étouffant les riffs sous les drums synthétiques.

5/ "Electric Funeral" (4:53)

Le flower-power pulvérisé par les ex-The Polka Tulk Blues Band, ex-Earth définitivement basculés en mode Karloff. Pour la première fois, on parle de beauté d'un riff sabbathien avec une intro torrentielle souveraine, en rubicond Hammer, soutenue par la faconde bluesy de Geezer. Un second riff, souple comme la démarche monstrueuse de Boris, l'aigu voix-guitare est tenté, du Led Zep de MJC et ça passe. "No wonder we never got any chicks at our gigs" se lamente aujourd'hui encore Ozzy.

Revisited: Pantera, peu aventureux, restitue fidèlement le titre, avec un intérêt conséquemment relatif. Anselmo ne parvient pas à franchir le fameux passage voix-guitare à l'unisson, raillé pour ses limites dans sa version originale. Inimitable Ozzy.

6/ "Hand of Doom" (7:08)

Ce Vietnam doublement lointain, ça les travaille, la faute aux soldats Yankee addicts qui déboulent alors en Angleterre. Une basse laid-back avant un nouveau soubassement boogie, Ozzy, nocher à la Sheen et grand prêtre en croisade hypocrite contre les drogues, plus sinistre que grand-guignol ici - Iommi débite les riffs et commande aux éléments, comme d'habitude.

Revisited: la bande à Araya se jette sur le titre le plus vénéneux de l'album et éjecte les soli originaux pour avoir les coudées franches. Difficile d'être Ozzy, quoi qu'on en pense.

7/ "Rat Salad" (2:30)

Intro moustique, un instrumental pour combler, en forme de show case pour Bill, drummer sous-estimé, rarement servi par la production, qui tente son "Moby Dick". Tony, un peu en retenue sur les riffs, avorte son Jeff's Boogie, mais dévide un solo tortueux à la Cippolina, donc - ça reste entre nous - à la Zappa.

Revisited: du post-punk de Frisco avec Surplus 1980 qui infiltre le titre à coups de coude, batterie réinventée et soli barbelés maison qui crissent autour de notes à peu près toutes fausses. Enchaîne rapidement sur "Symptom of the Universe", inratable - mais une autre histoire.

8/ "Fairies Wear Boots" (6:15)

Le Sab' en majesté avec un riff onctueux parcouru d'une basse arachnéenne bavarde, "Jack the Stripper" en titre originel, délaissé depuis. Riffs et breaks dispensés avec largesse, autant dans ce seul titre que dans tout un album de Rage Against The Machine - ou c'est tout comme. Ozzy, outré d'une insulte skinhead homophobe, rapport à ses cheveux longs, bifurque en thématique LSD et, aujourd'hui, avoue ne plus se souvenir de quoi ça parle. "Smokin’ and trippin’ is all that you do!"

Revisited: Grifter, band briton plutôt confidentiel, met du Sab dans son fond ZZ Top et AC/DC, et colle au modèle, la voix bourrée en plus, c'est-à-dire en moins.