Serge Gainsbourg: Histoire de Melody Nelson (1971)

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"Le scénar de Melody Nelson ? Je pourrais dire que c'est La Vénus au miroir du Titien. Il a mis en scène La Vénus au miroir, on lui voit son cul mais on ne voit pas sa gueule. Et, on lui voit sa gueule parce qu'elle tient un miroir. Ça c'est un grand chef opérateur et un grand metteur en scène qui a fait cela. Donc, c'était Lolita. Je cherchais la Lolita de mes instincts, je ne dirais pas physiques, mais fantasmagoriques, instinctuels. La petite Lolita qui sait finaliser dans l'amour, dans sa beauté, dans sa jeunesse." (Serge Gainsbourg)

Where: Studio des Dames à Paris, bases orchestres enregistrées à Londres en avril 1970

When: 24 mars 1971

Who: Serge Gainsbourg (guitare, piano, chant), Jean-Claude Vannier (direction orchestre, arrangements), Alan Parker (basse), Brian Bennett (batterie), Alan Hawkshaw (claviers)...

What: 1. Melody 2. Ballade de Melody Nelson 3. Valse de Melody 4. Ah ! Melody 5. L'Hôtel particulier 6. En Melody 7. Cargo Culte

How: Produit par Jean-Claude Desmarty

Up: la basse qui s'étire et sort de son sommeil, l'incursion progressive de la guitare et des drums sooo british, l'entrée magistrale (3"07) de la formation de Vannier, maître d'œuvre de l'ombre, un deuxième palier franchi (4"27) et Gainsbourg qui s'installe dans un mezzo voce pervers avant le "heurt violent" (4"49), le troisième degré déjà atteint (5"43) qui dépose un accord saturé éblouissant (6"15) sur le ressac debussyen des cordes vannieriennes ["Melody"]... le riff tragique culte et ses arpèges délicats, le romantisme noir de Gainsbourg pris dans les tournoiements icariens de Vannier, deux toutes petites minutes dédiées à une "aimable petite conne" ["Ballade de Melody Nelson"]... la valse d'un Gainsbourg atteignant à un sublime mallarméen ("les murs d'enceinte / du labyrinthe / s'entrouvent sur l'infini") et un cor anglais égaré ["Valse de Melody"]... basse bavarde et arpèges classiques pour masquer angoisse, jalousie et douleurs sourdes ["Ah ! Melody"]... Vannier et Gainsbourg qui inventent le faux funk symphonique, un écho au "Bal des Laze" de Polnareff (2"16) avant le retour renversant de Vannier (2"47) ["L'hôtel particulier"]... les souffrances nabokoviennes, l'oratorio débauché (3"17), l'accord solaire revenu (5"32), chœurs à la "You Can't Always Get" de qui-vous-savez et textes ciselés ("Au hasard des courants as-tu déjà touché / ces lumineux coraux des côtes guinéennes / où s'agitent en vain ces sorciers indigènes / qui espèrent encore en des avions brisés") ["Cargo Culte"]

Down: la production guitare-basse-batterie étique, les ricanements insupportables et asexués de Birkin sur fond de jam sixties anonyme ("En Melody"), le travail longtemps sous-estimé de Vannier (direction orchestre, arrangement, composition et prises de son...), les musiciens de l'obscur groupe Rumpelstiltskin non-crédités...