Elvis Presley: Big Boss Man

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Par un curieux cheminement qu'on ne s'explique pas, les quatre années d'activité de ce blog approchant l'air de rien, on ne s'était pas encore fait les dents sur les exploits martiaux de Sa Royauté dont on affectionne pourtant rien tant que les petites lubies... Combien encore pour ignorer ainsi qu'Elvis, en plus de la musique noire, nourrissait une passion tout autre, les arts martiaux et notamment la pratique du Karaté et du Kenpo... Bon, bon, photos et vidéos à l'appui, on sent bien que l'enseignement martial de l'idole puisait davantage dans l'autodidactisme intuitif et pragmatique ricain que dans l'esprit de Gichin Funakoshi mais on vous fera grâce de notre analyse technique pour faire un tour plus, disons, musical de la question, sans jeu de mots japonais, promis...

Le CV sportif du King pour commencer, tiens... Quoi de mieux que l'armée pour se frotter aux mâles techniques du combat asiatique à finalité léthale ? C'est en tout cas "là-bas" qu'à partir de 1958 Elvis donna, mais, plus vraisemblablement, prit ses premiers coups... Il y assista à une démonstration de judo - ou de ju-jitsu, selon les versions -, à Fort Hood précisément, qui provoqua chez lui une espèce d'épiphanie claudelienne tendance paléo-bruceleeienne... Ses premiers instructeurs ? Un pratiquant allemand de karaté shotokan, Juergen Seydel pour ne pas le nommer, Tetsuji Murakami - qu'Elvis rencontra à Paris lors de ses permissions, avec, semble-t-il, d'autres instructeurs, vietnamiens, quant à eux - et puis un certain Hank Slemansky, expert en Shitō Ryu pour sa part, qui fut recommandé par le fondateur du Kenpo yankee, Ed Parker... How's that for a martial who's who?

Ce Parker, on le sait, allait d'ailleurs être amené à jouer un rôle important dans la vie du King, l'introduisant auprès de la communauté martiale étatsunienne et devenant son responsable de la sécurité... La légende - plutôt chargée en l'espèce - veut que King, séduit par ailleurs par la fluidité du Kenpo, ait abordé Parker en ces termes : "You seem to be a rebel in your field as I am in mine" mais d'autres disent que c'est Parker qui s'adressa à Presley de cette façon... Who cares anyway? Et pourquoi on se met à écrire en anglais, hein ?

En tout état de cause, dès 1960, Elvis était ceinture noire - une progression ultra-rapide, très occidentale dans l'esprit, qui fait subodorer la gratification de complaisance, soupçons renforcés par la titularisation du King au grade de 8e dan (!) en 1974, sous la bienveillance de Maître Kang Rhee (à Memphis, of course)... Parker, jamais loin, finit par lâcher que ce grade se voulait "honorifique" - ce qui explique probablement pourquoi Elvis, certes ni le premier ni le dernier, aurait également oublié de passer son 3e dan... Les esprits chagrins souligneront au surplus que Rhee autant que Parker reçurent entre 1970 et 1974, au plus fort de la pratique du King, divers colifichets en guise de remerciements, comme une Cadillac chacun mais pourquoi voir le mal partout ? Si Rhee toucha par ailleurs, semble-t-il, un bon pactole (on parle de 50 000$) du King pour construire son école d'arts martiaux, Parker fut encore plus malin et découvrit que la coïncidence de ses initiales avec celle de son illustre employeur lui permettait de récupérer une garde-robe sympa, comme celle de la fameuse prestation d'Aloha... Généreux comme à son habitude, un brin ingénu aussi, King injecta par ailleurs pas mal de pognon dans divers projets martiaux, croisa le chemin de (futures) stars comme Joe Lewis, Dominique Valera ou Bill Wallace - qu'il "sauva", dit-on, d'une terrible blessure immobilisante en lui envoyant son propre acupuncteur mais là, on devient trop pointu, on le sent bien...

Sarcasmes provisoirement mis sous le boisseau - ces tenues en satin, tout de même - il est permis d'accorder crédit à tous ceux qui jurent que la passion d'Elvis pour les arts martiaux était sincère, à défaut d'être impressionnante... Il lui fit en tout cas allusion tout au long de sa carrière, sur scène bien sûr avec une scénographie martiale et féline qui lui faisait effectuer de vrais-faux mouvements de Karaté devant son public, mais aussi sur disque, ou en tout cas sur pochette, comme celle de son album gospel His Hand In Mine où, juré, on peut voir au revers de la veste du King un pin's ceinture noire... Sur sa guitare, sur scène, quelques sigles pas trop sibyllins apparaissaient aussi dans les années 1970, pour les plus observateurs...

Le karaté investit du reste tant et si bien sa vie qu'il menaça d'ailleurs - de rares fois, il est vrai - de prendre le pas sur son légendaire professionnalisme... C'est ainsi que pendant les pauses du tournage de GI Blues, un sommet du cinéma hollywoodo-pécassien, le King s'amusa à (essayer de) casser des planches, voire des tuiles, et moins vraisemblablement des briques pour amuser les techniciens... Et c'est la main gonflée et violacée qu'il se présenta au maquillage en préparation de sa scène suivante où il devait roucouler auprès de sa belle en gratouillant une guitare... Elvis lui-même assure qu'on peut s'en rendre compte sur une des photos de dos de pochette de l'album correspondant... Il refit le coup en 1974 juste avant de monter sur scène d'ailleurs et s'en amusa à la faveur d'un de ces longs monologues gloussants et soporophiques qu'il affectionnait en fin de carrière...

Naturellement, en cette décennie puissamment estampillée asiato-martiale, l'idée de réaliser son propre film d'arts martiaux n'a pas tardé à titiller notre 8e dan... Et, believe it or not, tiens de l'anglais à nouveau, en 1974, quelques scènes d'un culte The New Gladiators furent mises en boîte, ébauche d'un documentaire sur le karaté pour lequel Elvis tourna même quelques scènes, exhumées depuis... Un autre projet, Billy Easter, aurait également été envisagé mais là, on retombait, semble-t-il, dans les scénarii hollywoodiens des années 1960...

Enfin, on s'en doute, la réputation martiale d'Elvis ne pouvait s'encombrer de chicanerie... Sans surprise, tous s'accordent à dire que l'idole était vraiment un pratiquant hors-pair et chacun - surtout, ceux, nombreux, à avoir bénéficier de ses largesses - y va de sa petite histoire à la gloire de Maître Presley... On va pas toutes vous les faire mais il suffira de mentionner le dérouillage, en 1956 (soit avant même qu'il ne pratique les arts martiaux) d'un mari jaloux à Toledo, ou la mise hors-service de deux malabars qui lui cherchaient noise dans une station-service (stèle commémorative dans le Wisconsin comprise), ou encore l'anéantissement d'un rustre qui, toujours dans une station-service, lui avait fait un geste obscène, ou enfin la sécurité qu'assurait parfois lui-même Elvis sur scène, n'hésitant pas à intervenir manu militari pour faire taire toutes les railleries... Allez, on s'en regarde un bout ?