Janis Joplin & Friends: Move Over

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Marre de Woodstock ? Gavé de Monterey ? Dégoûté par Altamont ? Barbé par l'Isle Of Wight ? Allez, on vous embarque à bord du méconnu et un brin foireux "Festival Express", train rock n' roll estampillé 1970 au culte passablement confidentiel jusqu'à son inespérée exhumation il y a trois ans... Janis Joplin, The Band, le Grateful Dead, Mountain, Traffic, les Flying Burrito Brothers, Delaney & Bonnie, Buddy Guy, en étaient et, pour les plus vivaces, en gardent aujourd'hui un souvenir ému... Et puis ce n'est pas si souvent que le Canada s'invite en nos prestigieuses colonnes... All aboard!

Alors ce Festival Express ? On est en 1970, Monterey, seule véritable réussite organisationnelle hippie - bénévolat oblige -, est dans toutes les mémoires depuis trois ans déjà, Woodstock, son pendant mercantile conséquemment voué à l'échec date de l'année d'avant, tout comme le tragique Altamont, solde de tout compte des sixties... Fin août, c'est le festival de l'Isle Of Wight, dernier soubresaut de la festivalmania baba avant les grands rassemblements caritatifs lancés par la Bangladeshophilie harrisonnienne...

On en revient à notre train rock... Le principe en était aussi simple qu'ingénieux : un train rempli de rock stars sillonnerait le Canada pour donner, ça et là, des concerts, courtesy of les Canadian National Railways... En bref, un festival itinérant, vingt ans avant le Lollapalooza de Perry Farrell de Jane's Addiction...

Bon, quand on dit "rock stars", comme dans tous ces festivals, l'affiche réserve toujours des surprises et, en sus du name-dropping inséré en intro de la présente note, on trouvait aussi Sha Na Na, Seatrain, Ian & Sylvia, Mashmakhan et Ides Of March dont on peut décemment faire l'économie de l'écoute, même d'un best-of spotifyesque... La perfidie n'étant pas notre fort, on laisse le soin aux mauvaises langues de préciser que le prévisible quota d'artistes locaux requis explique d'ailleurs probablement la situation...

En tout cas, il semble que les intéressé(e)s aient passé plutôt un bon moment, discutant et jammant comme des gamins en colo, loin du rouleau compresseur organisationnel des Woodstock et consorts, et se produisant à Toronto, Winnipeg et Calgary, Vancouver déclarant forfait in extremis par la voix de son maire anti-hippie, so square... On ne sait pas vraiment, en revanche, si ces 5 jours de fiesta rock engendrèrent la créativité collégiale escomptée mais l'alcool coula à flots, la fumée fut épaisse et, semble-t-il, on rit beaucoup (souvent bêtement), certaine séquence témoignant sans ambiguïté qu'on fut rapidement à court de camomille dans certains wagons...

L'affaire ne tourna toutefois pas au conte de fées, les contradictions hippies ne tardant pas à faire surface, sous la forme d'une dénonciation vigoureuse de la mainmise du dieu Mammon sur l'événement... Pourquoi payer les droits d'entrée (14$ tout de même) de cette fête, demandèrent une petite poignée d'extrémistes bab', au nom indécent et stupide de "M4M" (soit "May 4th Movement") ? Il y eut même des émeutes, avec barrières forcées et interventions musclées de la police canadienne... Une conférence de presse tendue fut organisée, le Grateful Dead joua gratos dans un parc mais rien n'y fit, l'argent avait tout pourri, si l'on nous permet cette conclusion partiale...

Ce fut en tout cas un tel désastre financier que pour Rolling Stone, le festival sonna bien vite beaucoup mieux sous le nom de "The Million Dollar Bash"... Jusqu'à Lollapalooza, on entendit plus vraiment parler de cette fausse-bonne idée d'un festival itinérant... Il y eut bien ce fameux train de fans affrêté par RTL pour aller voir les Stones à Bruxelles, mais on craint être dans le hors-sujet... En 1977, en revanche, Ronnie Lane, ex-bassiste des Faces remit le couvert mais à sa façon, juste après avoir enregistré son méconnu et plutôt bon album Rough Mix avec Pete Townshend et avoir eu confirmation qu'il était atteint de sclérose en plaques, comme sa mère.. Plutôt qu'un train, Lane sortit tout le tremblement et lança sur les routes anglaises un vrai - comprendre : pas stonien - Rock N' Roll Circus, essentiellement acoustique d'ailleurs, se mettant dans la peau d'improbables gens du voyage version country (roulotte, jongleurs, cracheurs de feu et "costumes" compris) avec une petite atmosphère hippie... Le nom même du projet, "Slim Chance", reste par ailleurs douloureusement éloquent... Toujours est-il que ce festival itinérant eut les faveurs d'un documentaire tourné par un certain Frank Cvitanovich dont les bandes furent oubliées dans un coin de garage (celui du producteur Willem Poolman) pendant plus de trente ans... Retrouvées, nettoyées, elles firent l'objet d'un nouveau documentaire sorti en salles en 2003...

(Merci à (feu) World Of Soul)