Motörhead: Damage Case

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"I don't believe Nixon was homosexual but I believe his wife was" : roi de la saillie grasse, compagnon de route de Jimi Hendrix, Sid Vicious et du maréchal Tito, porte-drapeau tardif et rigolard de marques de céréales et de gaufrettes chocolatées, l'increvable Lemmy tel qu'en lui-même enfin, ici même... Imagine-t-on le rock sans son superbe outsider au légendaire poireau facial, invincible boss du fleuron de l'industrie métallurgique binaire britannique ? Allez, un tour d'horizon des frasques du sympathique soutier moustachu à santiags, des origines aux méfaits les plus récents - toute honte bue, l'infâme épisode Robertson sera pudiquement évoqué - et puis, bien sûr, on va s'intéresser à l'intrigante santé du bonhomme...

Lemmy Kilmister, comme ça, au, hmm, débotté ? Écume l'Europe au sein de groupes forcément obscurs, les Sundowners, les DeeJays, les Sapphires, les Rainmakers, les Rockin' Vicars - papa était prêtre, pour info... - avec qui, première pour un combo rock, il franchit le Rideau de fer en 1965 ("Ha ha! We played Yugoslavia [...] and we got invited by the Yugoslav president Tito for a state banquet... He was alright. A good lad. "Call me Josif" he said when I asked him to pass me the peas at that dinner...") et d'autres encore, tout autant oubliés... Fait ensuite le roadie pour Jimi Hendrix, assiste à l'intégralité des sessions du phosphorescent Axis: Bold As Love et enfin, en 1971, guitare originelle délaissée au profit d'une basse râpeuse hurlante et larynx écorché aux barbelés, rejoint la tribu psychédélique Hawkwind en 1971 au sein de laquelle il grave quelques fameux opus (Doremi Fasol Latido, Space Ritual, Hall Of The Mountain Grill) et à qui il offre son seul succès, le single "Silver Machine" - il en sera chaleureusement remercié par le reste du groupe reconnaissant qui s'emploiera à le virer illico avec une efficacité perverse déjà évoquée ici...

Entre-temps, grâce à un certain guitariste cherokee stratosphérique, Lemmy fait une rencontre primordiale qu'on lui laisse le soin de raconter par le menu, contexte historique compris, pour la postérité : "Owsley Stanley III invented acid along with Timothy Leary who was working by himself but they were in the same class if you know what I'm saying. He was a really goofy guy, you know? "Hello! My Name is Owlsley Stanley III I was wondering if you would like to try some L.S.D. ?"... Anyway, Hendrix said "Sure." and brought back, like a hundred thousand tabs in a bag with little owls stamped on them... They were not even illegal yet. This was in August '67 and they didn't make 'em illegal until November and he was giving them all to the crew..."

Le premier essai du bassiste est légendaire : "There was only like three or four of us in the crew and one night this guy, who was the top roadie, said "Would you like to try some acid?" And I though "Why not? I am a fucking expert at marijuana and this can't be much different." (rires) It was just this little white pill and it ended up like one of those Cheech and Chong films. They asked me if I was all right and I am trying to drive this truck and I say "Are there supposed to be four roads ahead of us?" So, I took another one! (rires) I thought that was fair enough. For 18 hours I couldn't see! Just colors and patterns and all of that stuff... [...] I had to give it up by 1975 and it was bad by then"...

Ce contexte précisé, back in 1975 : Hawkwind atomisé vers d'autres cieux, Lemmy projette alors rien moins que d'offrir la réponse britannique au MC5... C'est chose faite, au prix de quelques ajustements : de cinq outlaws, on passe à un trio néandertalien, "Fast" Eddie Clarke à la Strat fraiseuse et Phil "Philthy Animal" Taylor aux fûts telluriques - et, en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, Motörhead, équarrisseur rock patenté, lâche ses premiers obus sous forme de sainte trinité pilonnante, Overkill, Bomber et Ace of Spades, close par un fameux LP live à Hammersmith qui fera dire à un journal, sans se douter que les intéressés le prendront comme un compliment, que la musique de l'infernal trio représente l'accompagnement musical parfait pour effectuer une lobotomie... La légende en marche, les trois gars, pas vraiment des enfants de chœur on s'en doute, s'ingénièrent à renouveler la mythologie d'une déjà bien malmenée life-on-the-road...

On exclut le passage en revue exhaustif des débordements pour n'en retenir qu'un, mettant en scène un Lemmy, carburant à la vodka et enfilant les groupies trois jours durant sans dormir et qui, épuisé, s'évanouit backstage à la grande fureur de ses deux partners-in-crime... Plus de 25 ans après, Eddie Clarke est toujours furieux : "Lemmy had been up for three days drinking vodka and fucking chicks... We've got 12,000 kids crammed in and waiting for us. All day people have been offering me lines of coke and everything, and I've had one fucking Heineken because I want to be together for this show. 55 minutes into the set, Lemmy disappears backwards and collapses. Afterwards, me and Phil are furious, going: "You let us down". And he was saying, "Me being up for three nights had nothing to do with it". The fact that he was up for three days getting blow-jobs had nothing to do with the fact that he'd collapsed onstage? No, of course not!"...

Une anecdote qui ne rend pas justice, précisera-t-on, au professionnalisme et à la générosité du bonhomme, infatigable arpenteur des scènes du globe, parfait gentleman anglais et, bien qu'invétéré apôtre du killer cocktail Jack Daniel's-amphèts, adversaire déclaré de l'héroïne... D'un naturel charitable, le gars hébergea même Sid Vicious avant que Malcolm McLaren ne lui invente une destinée prêt-à-porter : "Just a young spotty kid, a nice kid, he couldn't play bass for toffee... I tried to teach him... but it was impossible, he was hopeless, didn't have a clue and then one day he rang up said he was in The Pistols and I said "brilliant, are you the singer?" And he said "no I'm the bass player" and I just laughed... I said "you can't play bass Sid", and he said "I know""...

On en vient enfin à ce qu'il convient d'appeler "l'affaire Robertson". Objet de douleur aujourd'hui encore pour tous les fans du groupe, l'entrée du guitariste à la Les Paul en remplacement d'Eddie Clarke, aussi incongrue qu'un Ian Gillan dans le Sab', a tout de l'erreur de casting et frise même pour certains le vandalisme... Issu de Thin Lizzy où il ferrailla fort brillamment avec Scott Gorham, Robertson maniait la pentatonique lyrique avec goût, pas vraiment un pré-requis pour rejoindre la horde sonique de Lemmy... Pire encore, une fois Motörhead intégré, le nouveau-venu refusa de jouer sur scène les classiques du groupe... Morgue vaniteuse mais aussi choc culturel puisque, comme Lemmy et Phil - et les roadies - le découvrirent avec horreur, Robertson se présentait sur scène en short de satin vert, chemise rouge et chaussons de ballet, peu raccords avec les cuirs de Lemmy... On raconte même que quand un Hell's Angels, chargé de la sécurité, vit le troubadour monter sur scène à côté de Lemmy et qu'on dût lui préciser : "It's Motörhead's new guitarist", il lâcha un laconique : "Hmm... let's kill him"... Bref, l'expérience Robertson fit long feu et le guitariste fut bientôt viré au grand soulagement de Lemmy, des fans - et des roadies...

Constat surprenant : en dépit de tous ses excès, l'aventure Motörhead a su éviter les tragédies, probablement en raison du bon sens de son capitaine à qui on ne la fait pas... Une ombre au tableau, pourtant : le décès, le 6 avril 1998, de la pasionaria des Plasmatics, Wendy O. Williams, qui inspire cette oraison passionnée à son grand pote Lemmy : "She went out in the woods, fed the sqirrels, as usual, and blew her fucking head off. That's terrible. I wouldn't like that to happen to anybody. She was really naïve in a lot of ways. She was really sweet. She used to come over and fuck me in that hotel we used to stay at. She'd go "Lemmy, what are you doing right now?" "Nothing." "Can I come over and jump you?" And when she jumped you, boy, you stayed jumped cos she was fucking fit, man. She had muscles like steel fucking ropes..."

Et l'hygiène de vie dans tout ça ? Souvent délaissée par les journalistes au profit du corsaire Keith Richards ou du Maître gonzo Hunter S. Thompson, l'increvable carcasse du bassiste à la Rickenbacker feulante est pourtant un sujet d'étude fascinant : quand Keith Richards se fait prétendument remplacer le sang dans une clinique suisse en 1973, Lemmy lui se voit refuser une transfusion au motif que du sang pur risquerait de le tuer net... Depuis, Lemmy, péremptoire, rappelle : "I eat quite healthily - I'm still here aren't I?"... Dans les détails, l'affreux a consenti à confier le secret de sa singulière forme, n'hésitant pas à se fendre de quelques tuyaux à destination des gastronomes à velléités vulcanologiques : "I drink a lot on tour, Jack and Coke mostly. I've never detoxed, and I've never dieted - these tight jeans stretch. My favourite recipe's called Krakatoa Surprise: curry powder, laxatives and flour made into a model of Krakatoa, then you pour liquid Ex-Lax over the top with a bit of brandy and set it on fire. Eat it while it's still burning - surprise!"

Moins fanfaron, Lemmy nous avait déjà fait des frayeurs en annulant, à la fin 2000, une partie de la tournée Motörhead pour cause de surmenage, grippe et infection pulmonaire... Cinq ans plus tard, au plus fort d'une tournée caniculaire, il dut subir une hospitalisation forcée, lui qui ne se souvenait pas avoir jamais rencontré un médecin, pour cause de déshydratation extrême et de fatigue généralisée... On fit mine de découvrir par la suite, grâce au batteur Mikkey Dee, que Motörhead s'était produit les jours précédents sous des températures frisant les 37° et que, en y repensant, pendant que Dee s'enfilait huit bouteilles d'une boisson "sportive" et des baquets d'eau, Lemmy lui sirotait son bon vieux Jack & Coke... Todd Singerman, le manager de Motörhead, a dû la jouer fine pour qu'ait lieu la rencontre historique entre Lemmy et le monde médical : "Look, one time when I spoke to him about the importance of vegetables in a diet, he looked me straight in the eye and said, "What are you talking about, Todd? These [potato chips] here are part of the vegetable food group." So imagine telling him he needs to drink more water because it's a crazy hot summer in Europe - although in fairness to Lemmy, he did start making an effort by adding extra ice cubes to his Jack and Coke..."...

La clé pour comprendre Lemmy ? Cette déclaration peut-être : "I never wanted to be a rock star. I wanted to be in a band. There is a difference."