Phil Spector: To Know Him Is To Love Him

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"Je n'ai pas été bien, pas assez bien pour fonctionner normalement dans la société alors j'ai décidé de m'en retirer... Je suis habité par des démons... J'ai une personnalité bipolaire... Je suis mon pire ennemi" : c'est par ces mots lucides et désespérés que la terreur du rock business, le producteur le plus redouté et le plus déjanté du système, Monsieur Phillip Harvey Spector, s'est défini auprès d'un journaliste du Sunday Telegraph en 2003... Faute avouée à demi pardonnée, comme dirait l'autre ? Le dossier reste quand même très, très chargé... Appelés à la barre, Lennon, Cohen et les Ramones...

Complètement allumé, Phil Spector voue un culte égal aux grosses voitures et aux armes à feu qui, seules, le distraient des ses géniales oeuvres quand le Shakespeare autoproclamé de la production ne choisit pas de mélanger le tout à la faveur d'enregistrements dantesques... Et maintenant, le personnage en action...

En 1977, les Ramones confient les clés de leur album End Of The Century au nain new-yorkais. Résultat : 32 semaines de studios (à la place des 7 jours prévus). Dee Dee Ramone raconte : "Phil était complètement dément. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un de plus fou que lui, mais il m'aimait beaucoup. Il portait un flingue en permanence. Avec lui, il avait deux types armés jusqu'aux dents [...] Un soir, Phil a sorti son flingue et a refusé de nous laisser partir. John a pris les choses en main. Il a dit : 'Arrête ton cinéma, Phil, ou on va se barrer'. Phil a répondu : 'Très bien, essayez un peu de partir les mecs. Je ne vous laisserai pas partir !' Il a fallu qu'on reste assis là-bas pendant une journée entière, tandis qu'il nous tenait en joue avec ses flingues et qu'on reste assis dans le salon à l'écouter passer 'Baby I Love You' en boucle."

On dit aussi que, durant les mêmes sessions, Spector The Terror pointa un flingue sur la tempe de Dee Dee - une spécialité maison qu'il avait déjà servi à Lennon quelques années avant, se voyant opposer un très British "You can shoot me if you want to, but watch my hearing. I need that" par l'ex-Beatle - et se mit à gueuler : "Who's gonna die ? Uh ? Who's gonna die ?!". L'ingénieur du son dut le prendre personnellement puisqu'il fit illico une crise cardiaque dont il réchappa mais qui lui attira ce commentaire bienveillant de notre grand schnouffé : "De toutes façons, il fumait trop"...

On poursuit ? Leonard Cohen, peut-être ? Lui aussi fit appel aux services de Spector sur Death of a Ladies' Man - album "grotesque" selon ses propres mots - mais l'apathie légendaire du songwriter canadien n'eut malheureusement aucun effet sur Spector qui redoubla de démence et effraya durablement Cohen... et ses musiciens. C'est Cohen qui se souvient : "When he got into the studio it was clear that he was an eccentric, but I didn't know that he was mad. [...]. With Phil, especially in the state that he found himself, which was post-Wagnerian, I would say Hitlerian, the atmosphere was one of guns, I mean that's really what was going on, was guns. The music was subsidiary an enterprise, you know people were armed to the teeth, all his friends, his bodyguards, and everybody was drunk, or intoxicated on other items, so you were slipping over bullets, and you were biting into revolvers in your hamburger"...

Évidemment, tout ça dérape très vite : "There were guns everywhere. Phil was beyond control, I remember the violin player, the fiddle player in the song 'Fingerprints', Phil didn't like the way he was playing, walked out into the studio and pulled a gun on the guy. Now this was, he was a country boy, and he knew a lot about guns, he just put his fiddle in his case and walked out. That was the last we'd seen of him. And at a certain point Phil approached me with a bottle of Manishewitz kosher red wine in one hand and a 45 in the other, put his arm around my shoulder and shoved a revolver into my neck and said, 'Leonard, I love you'. I said, 'I hope you do, Phil'..."

On finit par des nouvelles fraîches du Maître (oui, oui, il est encore vivant) : on le sait peut-être, Phil doit depuis plusieurs mois faire face à la justice suite à la découverte - chez lui... - du corps de l'actrice Lana Clarkson, dont il est inculpé du meurtre... Libéré sous caution à un million de dollars, tout de même à il a récemment donné, pour la première fois, sa version du drame, dans une interview au magazine Esquire : "Lana a embrassé le revolver, je ne sais pas pourquoi, je ne la connaissais pas, je ne l'avais jamais vue auparavant. Et elle s'est tuée. Elle m'avait demandé de l'emmener voir le château..." Qui oserait mettre en doute les paroles du sage homme ?