The Byrds: So You Want To Be A Rock N' Roll Star

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Tourmentées à coup sûr, et tortueuses à souhait, ces histoires de pochette chez nos gratteux californiens des Byrds qui, coïncidence heureuse, n'aimaient rien tant qu'à se foutre sur la tronche et à se virer les uns les autres... Quand on règle pas ses comptes par photographie d'équidé interposée ou qu'on se fait pas imposer un titre navrant pour son album le plus important, on fait l'apologie de substances illicites en public et on décrypte un assassinat politique sur scène... Allez, on arrive pas à croire qu'il reste encore des heureux pour ignorer ces savoureux épisodes mais on est là pour tout remettre en ordre...

Et si on commençait par l'affaire de l'album 'Untitled' (1970), à l'évidente antinomie puisqu'il ne porte d'autre titre que, précisément, ce "sans titre", guillemets inclus... On est pas loin du méta-titre diront même certains mais, surtout, comment on en est arrivé là ? Levons d'emblée un doute rongeur : nos folkeux américains n'ont pas précédé, dans l'astuce commerciale, Led Zeppelin et sa fameuse pochette anonyme de quatrième album dont l'absence de titre et de mention du groupe font qu'aujourd'hui encore, on parle indifféremment de Led Zeppelin IV, de Untitled justement, mais aussi de Four Symbols, de Zoso, de The Runes...

Les Byrds audacieux tenants d'une œuvre auto-référentielle, alors ? Pas vraiment, en fait. Les versions, comme souvent, diffèrent mais une chose est sûre, le coupable a été trouvé : Columbia Records dont le personnel s'est un peu embrouillé dans ses papiers et a sorti de son chapeau ce 'Untitled' inattendu qui déconcerta un temps la formation américaine, pas prévenue du tout de ce choix... On comprit, un peu plus tard, la confusion : la bande à McGuinn avaient planché sur un titre choc pour appuyer leur retour, au terme de départs multiples - le guitariste Gene Clark, le batteur Michael Clarke et David Crosby ne faisaient, en cet été 1970, déjà plus parti de l'aventure - et de psychodrames internes plutôt euh acides...

Parmi les propositions, le triomphant et mesquin The First Byrds Album et l'original Phoenix, à peu près aussi surprenant qu'un solo de Santana... Tout ce remue-méninges prit tant de temps que lorsqu'il fut l'heure de remettre sa copie, les gars ne s'étaient toujours pas accordé sur un titre viable... Terry Melcher, producteur et manager du groupe, connaissant la réactivité de ses poulains, prit les devants et envoya à Columbia une note officielle précisant d'un seul mot que l'album était à ce stade encore 'Untitled', ce que Columbia prit au pied de la lettre, poussant d'ailleurs le vice bureaucratique jusqu'à reproduire les guillemets de Melcher et, en moins de temps qu'il n'en faut à Crosby à jeun pour s'accorder sur scène, le disque était pressé sous son titre pas franchement racoleur... Roger McGuinn l'eut mauvaise et se fendit même d'une publicité au moment de la sortie de l'album, livrant au grand public une autre version légèrement remaniée : "Somebody from Columbia called up our manager and asked him what [the title] was. He told them it was 'as yet untitled,' so they went ahead and printed that."

Décidément abonné aux douloureux conflits de pochette, les Byrds connurent affaire bien plus retorse quelques années auparavant... Là, on est revenu en 1967 et plus particulièrement à un des sommets d'une discographie pas avare en pics artistiques, l'album The Notorious Byrd Brothers, enregistré comme on sait dans une période climatérique culminant dans l'éclatement par trop prévisible du groupe... Les rixes verbales furent nombreuses et rétrospectivement si savoureuses qu'il a d'ailleurs été jugé historique d'en inclure une entre Crosby et Michael Clarke en ghost track dans la réédition CD... Ajoutez à cela des compos de Crosby injustement écartées, un choix dont les autres musiciens se mordront les doigts plus tard, les morceaux en question étant supérieurs à ceux présents sur l'album final : en bref et en vrac, Crosby voulait voler de ses propres ailes, Clarke se fit porter pâle, des musiciens d'appoint, dont Jim Gordon, furent engagés dans l'urgence, Gene Clark fit même un bref retour...

Et cette pochette ? Roots, countrysante, canasson compris, due au photographe Guy Webster mais à y regarder de plus près, un point de détail diplomatique : de gauche à droite, un Chris Hillmann torse nu, un Roger McGuinn comme fraîchement licencié de la Stasi, un Michael Clarke cool, chemise de jean, clope à la main et bride de cheval lâchement tenue et, justement, un cheval en lieu et place d'un David Crosby curieusement absent... D'aucuns, le guitariste à bacchantes en tête, y virent une sournoise métaphore en même temps qu'une camouflet public à l'endroit de l'absent... Qu'avait donc fait Crosby pour mériter pareil traitement de ses potes (qui n'en furent, à vrai dire, jamais vraiment) ?
Prévisible : le succès aidant, le guitariste dont le talent devenait difficile à masquer, s'imposait sûrement comme le véritable leader du groupe, ce qui irritait, on s'en doute, McGuinn et Hillmann, la personnalité fantasque du guitariste rendant difficile une cohabitation ainsi hiérarchisée... De son propre aveu : "I think it was just a bad feeling at the time, and I am sure I contributed to it as much as anybody. I was not an easy guy at that point. I was pretty much of a punk and had an enormous attitude and thought I was a lot better than I probably was, and wanted to be... to have a larger share of things. And I was starting to write fairly good stuff..."

Auto-critique tardive mais tout à l'honneur du moustachu, surtout à l'aune de ses frasques de l'époque, plutôt gratinées... Un exemple ? Le cultissime incident de Monterey qui mit le feu aux poudres... On se souvient que, déjà leader auto-proclamé du groupe, Crosby avait vanté les mérites du LSD devant un parterre pas vraiment prêt à contester la démonstration, un curieux autocollant STP apposé sur sa guitare... Avant de devenir fameux sous le nom de Stones Touring Party lors de la tournée 1972 de la bande à Mick (mais on s'égare, là), ce sigle est celui d'une fameuse huile à moteur américaine... Évidemment, Crosby même vaguement motard ne nourrissait pas de passion particulière pour les liquides lubrifiants mécaniques et savait que les initiés décoderaient l'acide sigle, "Serenity, Tranquility and Peace", alias d'une amphétamine en vogue sur les campus américains...

Tout ça restait plutôt bon enfant, nous direz-vous - magic was in the air, wasn't it? - mais quand, en verve, Crosby introduisit le titre-hommage de McGuinn sur son pote Kennedy ("He Was A Friend Of Mine") en se lançant dans une tirade à la Garrison contre le Warren Report - conspiration gouvernementale, thèse des multiples tueurs, etc. - ses collègues envisagèrent sérieusement de lui écraser sa gratte sur la gueule... Non content de parler en leur nom, Crosby leur attira les foudres des organisateurs du festival, et de la télé et des réalisateurs du documentaire qui refusèrent de faire apparaître les Byrds sur pellicule... Merci qui ?

On comprend mieux, dès lors, la flèche du Parthe décochée par McGuinn au moment du départ de Crosby - même si McGuinn, justement, se défend de la moindre métaphore ironique, ajoutant perfidement que si tel avait été le cas, ils auraient veillé à retourner le cheval pour faire bonne mesure... Pour Crosby en tout cas, l'affaire est entendue : ses ex-potes se sont payés sa tronche. Et quand les Byrds se réformèrent en 1972, on dit même que Crosby proposa de remplacer McGuinn par un cheval sur la pochette... Grand seigneur, Crosby a, depuis, pardonné l'outrage : "The Notorious Byrd Brothers is the record they tried to pretend I wasn't on. [Laughs.] I'm on it. It was not a comfortable parting of the ways. They threw me out. And they were not nice about it. And they did take songs that I co-wrote, and music that I made, and tried to pretend that I wasn't there. Or at least give the impression that I wasn't there, which was unkind, but understandable under the circumstances. They were under the influence of some very bad people at the time, and they were told that they needed to give the impression that they were just as strong without me as they had been with me. [...] But [today] I think you know we're past all that crap..."