Van Morrison: Listen To The Lion

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Songwriter inspiré, juvénile leader des sous-estimés Them, défricheur décomplexé de territoires musicaux baroques, Van Morrison est aussi ce qu'il convient d'appeler une tête de con tant le barde de Belfast s'est tôt fait une spécialité d'être à peu près insurpassable en arrogance acrimonieuse... Dans sa ligne de mire, les journalistes bien sûr, mais aussi son propre public et ses amis, rien ne semblant trouver grâce aux yeux du chanteur qu'on soupçonne évidemment de cacher un cœur en or sous ses éclaboussures de fiel... Bref, retour sur quelques faits d'armes du Sieur Morrison et, bien sûr, l'infamous dîner avec Robert Zimmerman...

Du coup, on en sait presque plus quoi choisir... Tiens, on commence avec les Them : en 1965, à l'occasion de la parution du premier album du quintet rageur, Keith Altham, journaliste au New Musical Express, fut convié dans un studio londonien pour une interview avec Morrison. Arrivé au studio, Altham poireauta quelques heures et, n'y tenant plus, commença à se dégourdir les jambes en arpentant les couloirs du studio. Il découvrit bientôt, à seulement quelques mètres de lui, Morrison en train de lire un journal... Croyant à un quiproquo, le journaliste lui demanda courtoisement si l'interview était toujours possible. Morrison, pas encore star mais déjà poète, lui répondit lyriquement : "Fuck off, can't you see I'm busy. "

Sa carrière commencée, on le voit, sous les meilleures auspices, Morrison s'appliqua dès lors à ne jamais dévier de cette paranoïa légendaire qui le fit redouter de tous les journalistes, mais aussi d'une partie du public et, si l'homme était en forme, de son propre entourage. Quand il n'insultait pas violemment ses musiciens juste avant de monter sur scène ou balançait des verres à la gueule de ses propres potes, Morrison s'arrêtait en concert en plein milieu d'une chanson pour s'adresser à un membre du public peu enthousiaste en ces termes immortalisés sur certain bootleg depuis : "If you don't like it, you can go fuck yourself!..."

Mais ce sont définitivement les journalistes qui, aujourd'hui encore, continuent à faire les frais de l'irascibilité pas forcément sobre de Morrison. Liam Fay, de Hot Press, par exemple dut ainsi subir en 1989 quinze minutes de torture pendant lesquelles, à ses questions fouillées, le chanteur, aux prises avec une assiette de poulet-frites, répondit exclusivement par des grognements. Fort heureusement, dans sa grande mansuétude, Morrison décida de mettre fin à l'interview mais devant le refus du journaliste de lui remettre la bande enregistrée de leur rencontre le poursuivit dix minutes durant dans le restaurant et finit par le fouetter avec son manteau...

Allez, une dernière, plus ancienne, qui en dit peut-être un peu plus long sur le bonhomme et son, euh, sens de l'humour : le comptable de Morrison, qui se trouvait officier aussi pour Bob Dylan, décida de convier à un dîner les deux chanteurs, qui se trouvaient exceptionnellement à Londres en même temps. À sa grande surprise, les deux idoles acceptèrent son invitation... Une fois les trois compères attablés, l'homme de chiffres déchanta rapidement puisqu'absolument aucun mot ne fut prononcé ni par Morrison ni par Dylan au cours d'un dîner interminable qui, dit-on, s'étala sur plus de trois heures... Dylan finit par rentrer chez lui, toujours sans avoir dit un mot. Morrison se pencha alors vers le comptable désespéré et lui dit, l'œil pétillant : "I thought he was on pretty good form tonight, didn't you?"