Led Zeppelin & Friends: Nobody's Fault But Mine

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À l'heure où Joe Satriani (et d'ailleurs, avec lui, un obscur groupe appelé Creaky Boards) hurlent au vol à l'écoute de certains titres des soporifiques Coldplay, se pourrait-il que nous ayons tant remisé la thématique du plagiat rock n' rollesque que celui-ci, hormis quelques mentions transversales ça et là au gré de nos chroniques, n'ait pas encore été traité en nos illustres colonnes, régulièrement plébiscitées par des milliers de lecteurs/trices très très intelligent(e)s ? Mea maxima culpa, nous rectifions donc recta sans avoir la prétention, naturellement, d'être exhaustif en la matière et en ouvrant les commentaires à tout ajout pertinent... Pour l'heure, sont convoqués en vrac ici-même Led Zeppelin, Deep Purple, Nirvana, le Clash, George Harrison, Pearl Jam, Red Hot Chili Peppers, U2 et les jeunes Britons pop Oasis, Verve, Blur ou Franz Ferdinand, qui, tous, serrent les doigts et croisent les fesses pour qu'on fasse pas trop tôt de fâcheux rapprochements... (Et, pour le reste, rendez-vous dans la rubrique Echoes de ce site, régulièrement alimentée)

Conscient ou inconscient, le plagiat en rock semble inévitable tant la variété harmonique et rythmique en est, par essence, limitée... Pour autant, on placera au fronton de cette chronique trois artistes tout symboliques : Keith Richards, qui ne craignait rien tant que découvrir après-coup qu'une de ses compos étaient un recraché involontaire d'une écoute antérieure (les Stones ne feront d'ailleurs l'objet que de rares réclamations, notamment avec leurs "Saint Of Me" ou "Anybody Seen My Baby?") ; Paul McCartney qui, stupéfait de la pureté de son propre "Yesterday" en conclut que la compo ne pouvait conséquemment être entièrement de lui et fit écouter, anxieux, le titre à son large entourage avant d'oser l'assumer comme le sien ; et Jimmy Page, Grand Vampirisateur, qui, au sein de ses Thieving Magpies, suça la moelle de bluesmen, rockers et folkeux à tel point qu'on va commencer par lui, tiens...

Led Zep, du coup, donc... Certes mille fois détaillé depuis quelques décennies mais, sauf erreur, jamais complètement - donc autant consigner notre propre version, jusque-là éparpillée par petits bouts, façon puzzle, un peu partout en commentaires sur le ouèb. Précisons d'emblée que, hormis les emprunts occasionnels éhontés, note pour note, comme à Bert Jansch ("Black Mountain Side" - pas composé par Jansch, d'ailleurs, mais par la folkeuse british Anne Briggs qui créa aussi le "Babe, I'm gonna leave you" que reprit plus tard Joan Baez, et que piqua aussi la bande à Jimmy, si vous nous suivez), les titres originels ne servent souvent que de supports d'inspiration, vite dynamités par le Dirigeable... Le "In My Time Of Dying" de Josh White dans sa version Blind Willie Johnson, ou Bob Dylan, c'est pas tout à fait le même tonneau que la version de Physical Graffiti tout de même... Idem pour le "Dazed and Confused" de Jake Holmes ou les quelques notes du "Taurus" de Spirit qui évoquent difficilement le majestueux "Stairway To Heaven", malgré un procès au long cours visant à le confirmer...

Côté bluesmen, c'est plus délicat tant c'est le hard rock en tant que genre dont il faudrait faire le procès, avec, ici, un "You Shook Me" et un "Whole Lotta Love" de Willie Dixon rhabillés de pied en cap par Led Zep (en revanche, la version des Small Faces est plus troublante), un "Nobody's Fault But Mine" de Blind Willie Johnson surélectrisé sur Presence, un "Killing Floor/Lemon Song" et un "How Many More Times" fortement inspirés de Howlin Wolf, un "I Can't Quit You Babe" piqué chez Otis Rush, un "Gallows Pole" entendu chez Leadbelly, un "When The Levee Breaks" chourré à Memphis Minnie... Plant dont la paresse d'écriture, dans les premières années du groupe, est connue n'est pas pour rien dans cette embarrassante situation d'ailleurs...

On complète avec le "Ooh! My Head" de Ritchie Valens pour "Boogie With Stu", le "Watch Your Step" de Bobby Parker pour "Moby Dick", le "Shake 'Em On Down" de Bukka White pour "Hats Off To (Roy) Harper", le "Keep A Knockin'" de Little Richard pour "Rock And Roll", le "Travelling Riverside Blues" de Robert Johnson pour le même titre, le "The Waggoner's Lad" de Bert Jansch pour "Bron-Y-Aur Stomp" ainsi que son "Go Your Way My Love" pour "Going To California"... Et puis, tant qu'on y est, on mentionne Moby Grape et son "Never" censément annonciateur de "Since I've Been Loving You", ou certain titre onaniste de Fleetwood Mac qui rappellerait "Black Dog" mais là, on aurait plutôt tendance à y voir une démonstration éclatante du génie zeppelinien, au firmament d'un rock crasse...

Ce contexte posé, et Saints Lenny Kravitz et Oasis veillant sur nous comme de bien entendu, reste l'embarras du choix : a-t-on jamais dit combien le "Black Night" de Deep Purple nous semble très similaire au "(We Ain't Got) Nothing Yet" des Blues Magoos ? Ou que le "Damn Good" de David Lee Roth et Steve Vai sonne vraiment proche du très fameux "Triad" de David Crosby, qu'on retrouve chez CSN&Y mais aussi chez Jefferson Airplane ? D'autres emprunts, avérés, comme le "My Sweet Lord" de George Harrison fortement inspiré du "He's So Fine" des Chiffons (et qui en fut puni), le "Come Together" des Beatles issu du "You Can't Catch Me" de Chuck Berry (Lennon répara l'injustice sur son album Rock 'n' Roll) ou le "Come As You Are" de Nirvana que les fans de Killing Joke jurent être outrageusement pompé sur le "Eighties" de ces derniers (sans même évoquer The Damned...) sont passés depuis longtemps à la postérité rock, tout comme les citations poussées des Beach Boys au "Sweet Little Sixteen" de Chuck Berry pour leur "Surfin' USA", le "Clash City Rockers" du Clash chourravé au peu confidentiel "I Can't Explain" des conspués dinosaures Who ou encore l'intro du "Child In Time" de Deep Purple, encore eux, louchée par Lord sur la partoche du "Bombay Calling" de It's A Beautiful Day...

Plus tard, Pearl Jam qui commercialisa en face B une impro hendrixienne en diable, "Yellow Ledbetter", aurait probablement eu plus vite faite d'assumer une franche reprise du "Little Wing" de Jimi... Et avant de s'autoplagier avec un génie insaisissable, AC/DC avait commis à leurs débuts un "Jailbreak" évoquant méchamment le "Gloria" des Them, vous trouvez pas ?

Probable que, arrivée tardive et talents limités oblige, les dernières générations soient encore plus coupables de tels détournements... On est loin d'être passionné par leur discographie au mieux sympatoche mais si on a bien tout suivi, Verve s'est fait taper sur les doigts pour avoir trop écouté "The Last Time" des Rolling Stones (version symphonique, précisons) pour leur "Bittersweet Symphony" ; Oasis s'est spécialisé dans le larcin pop avec un tel professionnalisme qu'on n'ouvre même pas le dossier ; et c'est le splendide "Boys Keep Swinging" de Sa Majesté Bowie qui semble avoir imprégné fortement le "M.O.R." de leurs concurrents Blur... Quant à The Dandy Warhols avec leur copié-collé éhonté du pas très obscur "Brown Sugar" des Glimmer Twins pour leur "Bohemian Like You" honteux, on reste interdits devant une telle complaisance ambiante... Embarqué dans une carrière discoïde, Rod Stewart avait au moins fait le double effort, lui, de pomper le chanteur brésilien Jorge Ben Jor, et son titre "Taj Mahal", pour son "Da Ya Think I'm Sexy" probablement découvert pendant une coupe du Monde de foot mais aussi rien moins que Bobby Womack... 2-0 !

L'infâme messie Bono, malgré qu'il en ait, a aussi déconné comme un vulgaire mortel avec le "Beautiful Day" de son U2 messianique qui, honte ultime, repique des plans du "The Sun Always Shines On TV" de... A-Ha (oui)... Et quand on sait que Noel Gallagher d'Oasis, dont on écoutera avec profit le "Cigarettes And Alcohol" d'Oasis à la suite du "Get It On" de T-Rex (ok, on a ouvert le dossier finalement), a accusé le groupe Green Day d'avoir trop écouté leur quand même un peu fameux "Wonderwall" pour leur "Boulevard Of Broken Dreams", on se dit que la quadrature du cercle guette dangereusement...

Itou pour les sévèrement inconnus Roofies ("Why You ?") qui s'étranglent à chaque écoute du "Tick Tick Boom" des Hives... Quant à Franz Ferdinand, ils auraient pompé leur "Take Me Out" sur le rigolard "Back Off Boogaloo" de Ringo, seul hit de l'infortuné batteur... Pour ce qui est des artistes français, curieusement ils semblent papillonner avec une préférence marquée autour du "Passenger" d'Iggy Pop puisqu'on retrouve la base de ce titre un peu partout, du "Femme libérée" de Cookie Dingler (et donc au "Aïcha" de Goldman ?), en passant par "À ceux qui passent" de Jean-Louis Aubert mais bon, nous, on s'en fout un peu...

Côté vétérans, Tom Petty, lui, a opté élégamment pour le bénéfice du doute et foutu la paix aux Red Hot Chili Peppers dont le "Dani California" évoquait pourtant un peu trop son propre "Mary Jane's Last Dance", arguant avec largesse de la pauvreté intrinsèque de renouvellement du rock comme excuse pour les pois sauteurs pimentés... Et on retrouve même McCartney ces dernières semaines expliquant que son "Light From Your Lighthouse" composé au sein de son groupe The Fireman est bien inspiré du "Let Your Light Shine On Me" du bluesman Blind Willie Johnson mais que le tout échappe au copyright car du domaine du "traditionnel"... Bon, avec ça, on a bien débroussaillé, non ? On nous fera toutefois pas croire que ce listing - non plagié mais reproductible en mentionnant la source, oui, même toi, le critic-rock qui a reproduit jusqu'à nos erreurs dans ton bouquin hi hi... - est complet, même en nous flattant, donc vous retenez pas, allez consulter notre rubrique Echoes...