Guns N' Roses: The Spaghetti Incident

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On a pu ici, il y a plus d'une douzaine de mois déjà, évoquer brièvement la trop courte carrière des Guns N' Roses dont les productions post-Appetite For Destruction - ce coup de maître écrasant, insurpassable qui signa immédiatement leur fin artistique, pourtant identifiée dès le premier morceau par un Axl encore lucide - ne furent, à l'exception du G N' R Lies (Live ?!@ Like a Suicide)* et ses superbes pistes acoustiques enregistrées en une journée, qu'une coda négligeable comme autant de soubresauts embarrassants d'un groupe qui n'en finit pas de mourir... Si Axl, castafiore complètement frappée, reste l'âme noire du groupe en même temps que l'artisan le plus sûr de l'irrépressible descente aux enfers du groupe, c'est Steven Adler, batteur jovial des débuts et toxicomane notoire à tendance dépressive qui restera pour l'histoire celui par qui le split arriva...

À tel point que lors de l'enregistrement du navrant ''The Spaghetti Incident?'' - rassurons les plus jeunes fans : on concède quelques poignées de secondes rémissibles ici et là, malgré la reprise potache en ghost-track du "Look At Your Game Girl" de Manson - l'ombre du pauvre Adler revint planer sur un groupe dont il était pourtant viré de longue date...

Et d'abord ce titre ridicule, ça serait pas notre batteur camé qui se rappelle au bon souvenir de ses ex-potes, justement ? "The Spaghetti Incident?" - pour en arriver à ce titre alimentaire, et à sa piteuse pochette raccord d'une nullité crasse, les Gunners ont fait appel à une vieille histoire interne du groupe... On parla d'une embrouille autour, précisément, d'un plat de ce type de pâtes alimentaires sèches, d'origine italienne, en forme de long bâtonnet souvent accompagné de sauce tomate (ceci précisé dans un but didactique) qui aurait été l'objet d'une dispute puérile entre Adler et ses congénères mais accordons un peu plus de finesse et d'esprit à nos ex-rock heroes et rétablissons la vérité...

L'histoire commence en 1989 : Axl, déjà passablement bouleversé par le succès monstre de Appetite For Destruction, sorti l'année précédente, décida que le groupe devait quitter les faubourgs de Los Angeles dont aucun des membres n'était, en fait, originaire pour... Chicago, plus proche de l'Indiana natal du chanteur... Le reste du groupe capitula, loua deux vans et partit pour la "City Of The Big Shoulders", comme disait le poète - dont il est permis de douter qu'aucun des musiciens de Guns ne connaisse l'œuvre mais on s'égare là... Bref, déjà fidèle à lui-même si on peut dire, Axl oublia pendant quelques jours de rejoindre le groupe qui, réduit à attendre leur pasionara à mèches rebelles, commença à plancher sur ce qui allait devenir le gargantuesque et globalement indigeste Use Your Illusion...

Pendant cette période créative, il se trouve que Slash le guitar-hero, le bassiste Duff McKagan et Adler, donc, consommèrent essentiellement de la bouffe italienne à emporter... Adler, par ailleurs à fond dans la coke, utilisait aussi le réfrigérateur commun pour y conserver sa dope comme le confia McKagan quelques années plus tard : "Steven was doing a lot of crack cocaine at this point and he'd keep his blow in the refrigerator. So his code word for his stash was spaghetti. He spiralled out of control. We said, 'Steven, we're fucked-up individuals and we're telling you that you gotta shape up, so you must be really fucked up!!'"

Rappelons que les relations tumultueuses du groupe avec les substances illicites avaient déjà fait l'objet d'un titre prémonitoire et comminatoire dû à la plume fielleuse d'Axl, le funk stonien "Mr Brownstone" et que le groupe, Axl en tête, alternait désintox courageuses et rechutes navrantes. Le chanteur à l'époque était déjà catégorique : "Me in LA, I was out there for seven years. Last seven years, you know. And I've lost at least five or six people that I hung out with every day. So Brownstone is just about having a battle with it, and wishing you'd never touched the stuff". Certains y virent surtout un avertissement mesquin lancé par Axl à son guitariste, ce que comprit aussi le principal intéressé, Slash : "I know it was directed at me because I was so strung out at the time, but it was what really made me hate Axl more then ever because he never discussed it with me, I never really forgave him for that".

C'est dans ce contexte paranoïaque où la culpabilité le disputait à la révolte que les règlements de comptes internes se multiplièrent et aboutirent à l'éviction, en 1990, d'Adler, premier d'une liste bientôt fournie - et, il faut le dire, le plus camé d'entre tous, de son propre aveu. L'ironie voulut toutefois que le batteur, une fois revenu de ses artificielles errances, décida d'intenter un procès au groupe au prétexte que son addiction était la conséquence évidente de la mauvaise influence de ses potes. Léger comme démonstration, non ? Le procès eut toutefois bien lieu et, avant que Adler ne remporte la mise - on parle de 2 millions et demi de dollars quand même - McKagan comparut en tant que témoin et, appelé à fournir des exemples de la conduite erratique du batteur péroxydé, cita évidemment l'utilisation détournée du réfrigérateur : "So then I'm in court, with a jury and the whole thing and this fuckin' lawyer gets up and with a straight face says, Mr. McKagan, tell us about the spaghetti incident' and I started laughing". À la relecture des transcriptions du procès, l'expression, sortie de son contexte, parut à juste titre complètement loufoque au bassiste qui la proposa comme titre de l'album, guillemets compris comme un autre célèbre album...