Brian Jones & Friends: Goin' Home

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Vous en êtes restés à Brian, Janis, Jimi, et Jim pour ce qui est du fameux "club des 27", ce cénacle d'idoles rock cultes disparues à l'âge, à la dimension quasi-canonique depuis, de 27 ans ? Détrompez-vous presto, cette informelle et sinistre amicale fut fondée bien avant le meurtrier tournant des icônicides sixties et reste toujours aussi active aujourd'hui, la part mythique en moins comme souvent, et on s'étonne d'ailleurs de trouver autant de nos (petites) stars casser leur pipe pile-poil à cet âge... Bon, on s'en cache pas, y avait probablement manière plus festive de lancer la décennie II d'un XXIe siècle dont on nous confirme chaque semaine qu'il sera rock, sans compter qu'on vous a déjà fait le coup de la compilation morbide mais on ne résiste pas au plaisir de vous ouvrir les portes d'un club pas si fermé que ça, le plus tristement culte du rock en tout cas...

On se dépouille du fatras méthodologique et analytique pour commencer : c'est entendu, le constat est terrible et singulier, on meurt beaucoup en rock, et souvent jeune, et on meurt davantage encore, semble-t-il, à 27 ans exactement (et toujours d'un arrêt du cœur, insistons)... mais on laisse à d'autres le soin d'en tirer des conclusions, le champ d'interprétations étant particulièrement large entre psychologie de bazar - 27 ans ou l'âge ultime avant la maturité ? s'aventurent certains - et numérologie - tiens, 27, c'est le cube de trois - et on reste factuels...

C'est donc le fameux quatuor sixties cité supra qui a lancé l'alerte avec quatre coups de semonce : le 3 juillet 1969, Brian Jones est retrouvé noyé dans sa piscine dans des circonstances restées par ailleurs troubles ; le 18 septembre 1970, c'est Jimi Hendrix qui meurt étouffé par ses propres vomissures ; moins d'un mois plus tard, le 4 octobre 1970, c'est au tour de la pauvre Janis Joplin de faire le mauvais trip de trop ; enfin, le 3 juillet 1971, Jim Morrison ferme le bal tragique en clamsant dans sa baignoire de la rue Beautreillis après une (de moins en moins) énigmatique nuit dans un club parisien, non sans doutes ultérieurs... On ne fut pas long à noter que les quatre icônes sixties avaient toutes 27 ans et il y eut plus d'un rocker proche de cet âge pour commencé à nourrir quelques inquiétudes sur le sujet...

Souvent oublié, c'est pourtant dès la fin des années 1930 que notre club fait sa pendaison de crémaillère pour peu qu'on considère le faustien Robert Johnson, dont l'ombre méphistophélique s'étend sur une grande partie de notre musique préférée, comme père du rock puisque le bluesman prodige fit sa révérence le 16 août 1938 à, vous l'aviez deviné, 27 ans...

En remontant la piste, on s'est, depuis, vite rendu à l'évidence : le père Robert avait dû faire jouer la cooptation à plein, au-delà même des frontières du rock d'ailleurs, parce qu'on trouvait à ses côtés pas mal de monde, et pas vraiment des inconnus, tous partis dans leur vingt-septième année. Alan Wilson, dit "Blind Owl", le chanteur et harmoniciste de Canned Heat, qui fit une probable overdose aux atours un peu suicidaires dans sa tente le 3 septembre 1970 ; Ron "Pigpen" McKernan, le chanteur et claviériste du Grateful Dead dont le bide ne résista pas, le 8 mars 1973, aux hectolitres d'alcool amoureusement biberonnés des années durant on ze road ; Dave Alexander, le bassiste originel des Stooges, qui nous fit une faiblesse des poumons le 10 février 1975 - oui, oui, 27 ans aussi...

Itou pour Gary Thain, le bassiste - un des nombreux... - bavard de Uriah Heep, le 8 décembre de la même année, d'une tristement banale overdose et, quelques mois avant, le 24 avril 1975, de Peter Ham, gratteux et clavier de Badfinger, qui se pendit... Trois ans plus tard, le 27 décembre 1978, c'est le chanteur et guitariste de Big Star, Chris Bell, qui eut un accident de voiture mortel... Paul Kossoff, de Free ? Nah, 25, raté.

Bon, on vous les fait pas tous, ça tournerait gothique mais précisons quand même que, durant ces mêmes seventies, des seconds couteaux comme Roger Lee Durham - qui chuta mortellement à cheval - chanteur des méconnus Bloodstone (une espèce de Grand Funk du pauvre, si vous voyez) ou Wallace Yohn, claviériste des jazz-rockeurs de Chase (oubliés depuis, mais grand concurrents de Blood, Sweat & Tears à leur époque) mort dans un accident d'avion ou encore Helmut Köllen, le bassiste des prog-rockeurs teutons Triumvirat (dont le Mediterranean Tales (Across the Water) fit sa petite sensation en 1972) qui s'intoxiqua bêtement, ou même Malcolm Hale, guitariste des folk-rockeux Spanky and Our Gang, des Mamas & the Papas au petit pied plutôt côtés à l'époque, qui régla mal son chauffage, virent eux aussi leur entrée dans le club des 27 validée directement...

Avant et après, si on peut s'autoriser un peu de braconnage sur des terres autres et notamment celles de feu World Of Soul, on trouve d'ailleurs un paquet d'artistes qui ont passé l'arme à gauche au même âge fatidique 27, dans des genres péri-rock et jusqu'aux jâzeux d'ailleurs : dans le rhythm-and-blues, avec Rudy Lewis, chanteur des splendides Drifters, en 1964, mais aussi avec Jesse Belvin - un hit immortel, lui, "Goodnight My Love" - quatre ans avant ; dans la soul aussi, avec la trop méconnue Linda Jones - quelques hits, dont "Hypnotized" - qui, souffrant de diabète, s'écroula sur la scène de l'Apollo Theater en 1972 ; dans le funk enfin, avec le chanteur Arlester "Dyke" Christian des fameux Dyke & the Blazers - "Funky Broadway - Part I", premier titre avec le mot "funky" dedans, les gars ! - qui se fit buter en 1971...

C'est, pour revenir au rock, à Kurt Cobain qu'on doit aussi d'avoir ravivé le concept même du club - non que celui-ci ait été menacé, dans l'intervalle, d'une fermeture, les morts à l'âge décidément obsessionnel de 27 ans du chanteur des Minutemen D. Boon et du batteur d'Echo & the Bunnymen Pete de Freitas dans les années 1980 pourvoyant à son inévitable actualité, mais avec le suicide mystérieux et mythologique du chanteur de Nirvana, la démonstration semblait faite, et pour de bon : trois cycles de neuf ans et c'est fini (tiens, on fait de la numérologie à la con, nous aussi)...

La disparition, au sens premier du terme cette fois-ci, un an plus tard, de Richey James Edwards des Manic Street Preachers ajouta une petite dose de soufre à l'ensemble en renforçant le postulat d'un âge limite du culte en rock (ou celui d'un culte rock systématiquement éclos lorsque la mort intervient à cet âge - vous suivez ?) Depuis ? Beaucoup de nouveaux membres, merci pour eux : Kristen Pfaff, la bassiste de Hole, Jeremy Michael Ward des flamboyants The Mars Volta et d'autres encore...

Mais cette death-list ne serait pas tout à fait digne de nos colonnes si n'y figurait pas un ultime et mythiquissime élément : McCartney, dont on vous répète qu'il est mort en 1969. À quel âge, déjà ?