Elvis Presley: Santa Claus Is Back In Town

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Trentième anniversaire d'un prétendu décès oblige, le King effectue un retour christique ici même et sans façons... Mort le 16 août 1977, Elvis ? Les théories alternatives - overdose, cancer, assassinat - battant en brèche les conclusions médicales officielles - mort "naturelle" à 42 ans d'un arrêt cardiaque - ont vite laissé place à des démonstrations autrement spéculatives sur une rocambolesque fuite du King, bien vivant, orchestrée par l'intéressé lui-même... Figure tutélaire du rock jusque dans ses derniers - possiblement postiches - instants, Elvis avait, il faut dire, déjà eu le douteux honneur de son vivant de thèses farfelues lui attribuant pêle-mêle le soutien humiliant de doublures vocales sur disque et en concert, l'assassinat d'une femme à la faveur d'une crise de somnambulisme adolescente, l'homicide involontaire d'un pauvre piéton à bord de son célèbre camion et même, believe it or not, celui de John Fitzgerald Kennedy... On comprend que, dans ces conditions, la mort du King, comme celles de Jim avant lui et de Kurt après, ait suscité une ferveur fantasmatique inouïe chez des milliers de fans... Bref, on s'y colle pour que tout le monde soit fin prêt le 16 août prochain...

Retrouvé inanimé par son amie du moment Ginger Alden dans sa salle de bain à Graceland, Elvis s'éteint donc officiellement 16 août 1977, à 14 h 56... Le coup d'envoi était donné : un nombre croissant de fans s'est appliqué dès lors à déceler toutes les incohérences de cette funeste journée, à démontrer combien les circonstances entourant la supposée mort du King étaient sujettes à caution et, essentiellement à montrer qu'Elvis était toujours parmi nous, esprit et corps...

La précipitation forcenée des funérailles, tout d'abord, parut suspecte à beaucoup, comme souvent dans ces cas : autopsié, embaumé, et ramené au Memphis Funeral Home dès 20h puis présenté en comité restreint le lendemain à 11h, soit moins de vingt heures après le décès, le cadavre du King bénéficia d'une logistique pour le moins exceptionnellement réactive... Surtout, s'empressent d'ajouter hystériquement, aujourd'hui encore, les fans viscéralement incrédules, quand on y ajoute la commande du corbillard Cadillac, d'un cercueil très particulier sur lequel nous reviendrons et de sa couverture faite d'un méticuleux assemblage de cinq cent roses... Sans compter les seize limousines blanches qui constituèrent le cortège, l'organisation de la sécurité, de la cérémonie...

À partir de là, les sceptiques les plus zélés dévissèrent et dévidèrent tout l'écheveau en une gigantesque démonstration étourdissante qu'on vous propose de suivre mais chaussés de bottes... Ainsi, n'avait-on pas vu un hélicoptère survoler longuement la propriété royale, Graceland, quelques minutes seulement avant la mort d'Elvis ? Dès lors, on pouvait imaginer que le King s'y soit réfugié et même qu'un corps de substitution ait été déposé... Un tunnel serpentant sous Graceland, datant de la guerre civile où il fut un maillon du fameux Underground Railroad, rendrait la chose encore plus vraisemblable, tant qu'on y est... Et puis, à l'examen, les enregistrements téléphoniques ont montré que la petite Alden avait téléphoné au National Enquirer entre une et trois heures avant de descendre appeler à l'aide, bien la preuve qu'il se tramait quelque chose de pas très protestant...

D'ailleurs, le mois précédant sa mort, Elvis affichait 125 généreux kilogrammes mais le certificat de décès, particulièrement coquet, n'en mentionne que 85... L'original a, qui plus est, été rapidement égaré et fut remplacé, plus de deux mois après, par une version plus administrativement correcte faisant état d'un simple décès et hop on remballe... Naturellement, il s'est trouvé des experts graphologues pour soutenir mordicus que, coup de théâtre, ce nouveau document officiel était indiscutablement signé de la main même d'Elvis, beaucoup moins mort que prévu donc...

Si on précise que personne n'est jamais venu toucher l'assurance-vie du King, qu'un valeureux journaliste découvrit plus tard que que le numéro de sécurité sociale d'Elvis (409-52-2002) était toujours valide et attribué à un certain John Burrows - un des pseudonymes patentés du King - sis 3797 Elvis Presley Boulevard, à Memphis, Tennessee, et qu'une mystérieuse infirmière, accueillant le corps de la star défunte le 16 août, aurait immédiatement identifié qu'il s'agissait d'un sosie et serait, depuis, tenue au silence par le gouvernement américain pour raisons de sécurité nationale, on se dit qu'on touche effectviement à l'affaire d'État et que l'indigestion mortelle de beurre de cacahuètes n'est qu'une fable pour enfants... On euh confirme d'ailleurs en complément, à l'attention de nos lecteurs versés dans la biologie criminelle, que, naturellement, on disposait d'un échantillon d'ADN fort judicieusement prélevé sur le King en 1970, qu'il fut bien sûr rigoureusement comparé à celui du cadavre et que, horreur, oui les deux ADN différaient sans nul doute possible...

Et puis pourquoi avoir enterré le corps du King entre ceux de son père et de sa grand-mère et non à côté de celui de sa mère, comme il en avait fait la demande expresse et donc difficilement escamotable par les héritiers lors de la mise en terre officielle ? Les fans ne se sont pas fait faute non plus de relever l'inacceptable et hautement suspecte hérésie orthographique sur la pierre tombale d'Elvis ornée d'un middle-name fautif, "Aaron" en lieu et place du fameux "Aron"...

Tant de contradictions dessinaient de toute évidence une incontestable et séduisante conclusion : Elvis, plus en forme que jamais mais oppressé par un étouffant star-system, s'était fait la belle, laissant un sosie en pâture aux journalistes et à ses fans les plus crédules...

Du reste, le King n'avait-il pas déjà mis en scène sa propre mort, balles à blancs et fausses poches de sang, quelques années auparavant, pour mettre à l'épreuve son entourage ? Sa double maîtrise du karaté lui aurait en outre - évidemment - permis de ralentir son rythme cardiaque sans effort, voire d'en simuler l'arrêt et sa connaissance pointue des produits pharmaceutiques - des fans particulièrement bien renseignés rappellent fort à propos qu'il était « expert pharmacologue » - lui autorisait toutes les simulations morbides possibles... Et puis, pour sortir de la cage dorée de Graceland, il avait aussi déjà recouru à des sosies qui avaient trompé efficacement la vigilance des paparazzi et s'était même logé dans le coffre arrière de voitures d'amis, un classique... Autant de preuves, en somme...

Oui mais, tout de même, comment a-t-il réussi son tour de passe-passe ce mouvementé 16 août 1977 et surtout le lendemain, lors des funérailles ? Grâce, comme peu l'ignorent aujourd'hui, à un mannequin de cire, réplique parfaite ou presque du King, naturellement... Hypothèse incongrue ? C'est oublier que le cercueil d'Elvis pesait 900 livres et semblait, de l'avis de participant(e)s évidemment non identifié(e)s, exhaler de l'air frais, signe irrécusable de la présence d'un système refroidissant destiné à conserver le faux cadavre en peau de bougie.... Les fans non convié(e)s à ces funérailles, tenues comme on l'a vu à la va-vite, la supercherie restait ainsi indécelable... Depuis, certains ont pu se répandre en détails complémentaires, comme la fameuse absence de callosités sur les mains du King, pourtant pratiquant de karaté, le nez aplati, la forme des sourcils, les fausses rouflaquettes...

Du coup, tout ou presque dans l'attitude et les déclarations d'Elvis les semaines précédant sa propre "mort" sembla, rétrospectivement, chargé d'un sens prémonitoire manifeste, laissant penser que toute l'affaire avait été ourdie de longue date... Vous avez dit dissonance cognitive ? Quelques jours avant le 16 août, il avait ainsi congédié quelques-uns de ses fidèles employés... Il avait aussi téléphoné à la célèbre Miss Foster, une ex-compagne, pour lui dire qu'il abandonnait la scène et qu'elle ne devait pas croire à ce que ne manqueraient pas d'annoncer très prochainement les journaux... La Miss Foster serait d'ailleurs passée au détecteur de mensonges avec succès si l'on en croit la légende qui n'en est plus à ça près... Plus probant encore, Elvis avait parsemé ses prestations d'allusions maintenant lumineuses, un inhabituel "Adieu" à la fin de son dernier concert à Hawaï au lieu de son traditionnel "Je vous reverrai à mon prochain concert", un "I know I look fat now and I'll look terrible for my TV special coming up. But I'll tell you this: I'll look good in my casket", un terrifiant "I may not look good tonight, but I'll look good in my coffin" en 1977... Et puis, Elvis venait de passer un contrat gras lui aussi, payable d'avance, avec la NBC, pour des apparitions télévisées et des tournées... L'argent en poche, restait en sus un juteux coup de pub destiné à booster les ventes qui, effectivement, atteignirent des records...

On a aussi parlé d'une fuite moins glorieuse et d'une fumeuse histoire avec la Mafia : Elvis aurait perdu un (ou dix, vous choisissez...) millions de dollars dans un mauvais investissement dealé avec un organisme mafieux, la "Fraternity", qu'il aurait par ailleurs généreusement démantelé pour le gouvernement américain dans le cadre de l'opération "Fountain Pen"... En juillet 1977, le FBI estima ainsi avoir suffisamment de preuves à son actif et, bingo, le 16 août, lança une vague historique d'arrestations - consignée nulle part mais bon ne chipotons pas - qui sonna la fin de la première vie du King... Sous le coup du Witness Protection Program, Elvis aurait été ensuite contraint à un changement d'identité et un exil sécurisé irréversibles... Quelques semaines avant, un million de dollars auraient été retirés du compte personnel du King, on a failli oublier de vous le préciser...

Disparu donc Elvis... mais aussi vite réapparu : un cuisinier de Graceland, jamais identifié, jura l'avoir vu de ses yeux vus à 16 h le fatidique après-midi... Deux heures après sa mort officielle, un sosie a été aperçu dans un aéroport en train d'acheter un billet pour Buenos Aires, payé en liquide sous le nom de, oui, tout se tient décidément, John Burrows... Une ancienne fiancée d'Elvis, Lucy De Barbon, a déclaré avoir reçu le 17 août une rose de la part de "El Lancelot", pseudonyme connu des seuls deux tourtereaux... Maria Columbus, présidente d'un des plus anciens fan-clubs du King et familière de l'écriture d'Elvis avec qui elle échangeait régulièrement des courriers depuis des années, jure avoir reçu, un mois et demi après sa mort, des cartes postales signées du chanteur lui-même...

Et puis cette photo prise par Mike Joseph en janvier 1978, dans la salle de billard de Graceland, juste derrière les Meditation Gardens ? Le photographe avoua - et, attention, ce fut consigné sur bande - que c'était bien Elvis puis se rétracta... Une autre photo, prise, celle-ci le 23 septembre 1984 avec Muhammad Ali, Reverend Jesse Jackson, en arrière-plan, à l'évidence, Elvis soi-même, mais si...

On est aussi obligé de mentionner le cultissime Orion, espèce de Phantom d'Elvis, qui débarqua sur les scènes américaines après le 16 août 1977... Né sous la plume de la romancière Gail Brewer-Georgio qui commit une fiction sur un artiste, Orion Eckley Darnell, multipliant les identités et orchestrant sa propre (fausse) mort, le personnage prit chair avec un obscur chanteur de rockabilly Jimmy Ellis dont le timbre évoquait celui du King... Se produisant masqué, Orion/Ellis introduisit vite le doute chez certains fans qui s'en étaient valeureusement tenus aux thèses officielles... On jura ainsi avoir vu deux Orions dans un bus de tournée, Ellis et puis quelqu'un qui ne pouvait vraisemblablement être qu'Elvis lui-même qui, démasqué, se réfugia dans les toilettes... On analysa par ailleurs les deux voix et on conclut avec rigueur qu'elles étaient identiques... Une autre fan encore affirma avoir vu Orion sortir de scène en sueur, réapparaître dans toute sa fraîcheur quelques secondes plus tard, disparaître à nouveau et enfin revenir sous les traits du vrai Orion, lessivé... Le gars sur scène entre les deux ? Allez, on vous laisse chercher...

Ellis lui, après avoir traficoté sur des enregistrements post-mortem apocryphes d'Elvis et sorti un LP, Reborn, à la pochette évidemment funèbre, est mort le 12 décembre 1998, abattu par des teenagers qui ont braqué son magasin... Tant qu'on est sur le sujet, un certain Steven Chanzes a produit un album, Sivle Sings Again, d'un certain Sivle Nora, de son vrai nom David Darlock, qui lui aussi sonnait comme Elvis et alimenta à nouveau la "Elvis Is Alive conspiracy"...

Encore ? On précisera alors pour finir qu'une docte et pontifiante "Presley Commission" a été formée en 1992 pour enquêter le plus sérieusement du monde sur la possibilité d'un Elvis bien vivant et qu'elle a même déposé un rapport à Bill Clinton qui n'en a, on l'espère, pas lu une ligne... Cette commission ayant, pour certains, des liens avec le lucratif "Elvis Is Alive Museum", son objectivité a pu être mise en doute par des esprits chagrins... Plus informellement, des fans adeptes de la même théorie se sont rassemblés sous l'appellation "Gatheringite" et collectent toute information confirmant leur fervente intuition... Enfin, depuis la mort d'Elvis, une pelletée de mouvements religieux - The First Presleytarian Church of Elvis the Divine, The First Church of Jesus Christ, Elvis, Elvis Gospel Ministries, The 24 Hour Church of Elvis - a spontanément fait surface, probablement convaincus, qu'après son fameux 1968 Comeback Special, Elvis n'en était plus à une résurrection près...