The Sex Pistols: Bodies

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Sid Vicious, petite frappe sans talent, porteur de basse pas toujours branchée des fascinants Sex Pistols, doit probablement l'essentiel de sa douteuse renommée, aussi imméritée que celle de son faux comparse Johnny Rotten est étouffée par les clichés, à ses derniers jours crapuleux et sordides en compagnie de Nancy Spungen, sa partner-in-crime défoncée et bientôt largement éventrée par un couteau sien... Le contexte était déjà copieusement glauque - junkies, overdoses, meurtre et une mère dealer - mais c'était compter sans nos amis conspirationnistes qui en remirent une louche, à peu près aussi nécessaire qu'un nouvel album de KISS, mais tout autant poilante... Sont-ils pas mignons nos deux tourtereaux... On vous les présente ?

Sid Vicious, c'est, on le sait, un certain John Simon Ritchie avant que Malcolm McLaren, manager rusé des Pistols, ne l'affuble de son nom de scène cartoonesque à souhait... "Sid le Vicieux", "Johnny le Pourri", tout de même, pour les plus de onze ans, ça dut être un sacré choc... Bref, l'ex-batteur hautement incompétent de la première version de Siouxie And The Banshees, formé par l'égérie du Bromley Contingent qui se fit historiquement draguer par un Bill Grundy aviné en direct sur la Thames Television, passa à la basse quand il intégra les Sex Pistols avec un seul mot d'ordre : être aussi mauvais qu'à la batterie, mission dont le junkie s'acquitta avec une rigueur qui force le respect...

Certes, la virtuosité était consciencieusement pourchassée par nos amis punks - Simonon lui-même, responsable de la quatre-cordes au sein d'un fameux groupe concurrent, se fit poser des marques sur son manche pour mieux en reconnaître les notes et se fit remplacer ça et là en studio - mais Vicious poussa le, euh, vice jusqu'à faire passer le jeu de, on sait pas, tiens, Gene Simmons, pour du Pastorius, sous les railleries, du reste, de son prof consterné de quelques heures, Lemmy... Faut-il s'en étonner quand l'incompétence alliée aux pleins pouvoirs, fussent-ils seulement médiatiques, font rarement bon ménage comme nous l'apprit le siècle dernier et les horreurs de certaine "plus éminente médiocrité du parti" - mais on est plus sûr de ce qu'on veut dire, là...

Bref, compagne de débauche et de chair triste - sans les livres - du Vicieux, la Nancy Spungen était à l'avenant, les origines américaines en plus... L'ex-danseuse topless s'était embarquée pour la copieuse Albion avec l'objectif de croquer du musicos, dans la plus pure tradition groupie et finit par mettre le grappin sur Sid, non sans avoir essayé de faire passer à la casserole un Johnny Rotten toujours aussi lucide... Après la désastreuse et ultime tournée ricaine en 1978, conclue par un splendide et désolant concert funéraire à San Francisco où l'intelligence de Rotten pétille jusqu'à sa mythique saillie finale, cette chose horrible arriva : Vicious devient une star... Son groupe englué dans des procès, il commit même, s'en souvient-on, l'immonde "My Way", enregistré à la va-vite avec des musiciens français, monument de médiocrité marketée en rock post-moderne...

Spungen sur ses talons, le couple fait des étincelles et, Yoko way, est immédiatement rejeté par le reste du groupe et à peu près tous ceux qui croisent leur chemin... Nancy met pourtant du cœur à l'ouvrage et ne laisse jamais passer une occasion de faire replonger Sid dans l'héroïne - à tel point que McLaren aurait même envisagé de la faire kidnapper et renvoyer aux States - et, plus généralement, l'entraîne dans une infernale spirale que seule une mort brutale ou sordide pouvait conclure...

C'est d'ailleurs le cas le 12 octobre 1978, la destroy Nancy étant retrouvée morte, le ventre ouvert en deux, dans la chambre new-yorkaise du couple junkie, la numéro 100 du Chelsea Hotel... Arrêté peu après, Sid, que tout accuse, jusqu'à l'arme du crime qui n'est rien d'autre que son couteau qu'il exhiba fièrement devant des potes la veille, s'enferre dans des témoignages contradictoires, reconnaissant avoir poignardé sa meuf mais sans vouloir la tuer, puis se ravisant et décrivant une engueulade sévèrement droguée le soir puis son réveil le matin au milieu de draps tachés de sang et, enfin, sa découverte, sous l'évier de la salle de bains, de Nancy, le bide tranché et se vidant de son sang... Comme souvent, les détails varient ensuite selon les versions, Sid laissant aussi entendre que Nancy, notoirement suicidaire, jouait encore avec le couteau au moment où il partit en crash d'héroïne, le reste étant perdu à jamais dans ses neurones grillés... Une chose semble sûre, en tout cas, et presqu'autant compromettante, c'est que Sid a avoué avoir eu comme première réaction, à la vue de sa meuf agonisante, de sortir se chercher un fix de méthadone... Classe ultime d'un petit merdeux, qui finit par reconnaître quand même qu'il avait pas trop assuré sur ce coup-là... De retour, il aurait essayé de nettoyer le couteau, le corps de Nancy (oui) puis se serait résigné à appeler la police et, tiens, pourquoi pas, les secours...

C'est à McLaren, dont on soupçonne les motivations de cette inhabituelle générosité, que Sid dut d'être libéré, les 50 000 dollars étant fournis par le mentor des feus Sex Pistols... C'est à Todd Smith, le frère de Patti Smith, en revanche que Sid doit d'être retourné en prison peu de temps après, celui-ci n'ayant pas apprécié de se faire péter la tronche à coups de chope de bière par notre petit Vicieux... Cette-fois-ci, ce fut de la vraie prison, jusqu'au début 1979, et, ultime recours, la propre mère de Sid, Ann Beverly, qui fait sortir son fils de prison... Touché - et touchant -, celui-ci décède quelques heures plus tard d'une overdose d'héroïne fournie par ladite mère le matin même...

Ce charmant conte de fées n'était, semble-t-il, pas suffisamment romantique au goût de certains fans et la Grande Machine Fantasmatique Rock n' Rollesque se mit en branle à nouveau... Sans trop de créativité, il faut bien le dire, ramenée à la fertilité du terrain : des propos incohérents et contradictoires (extorqués ?) d'un accusé junkie, les tendances suicidaires (et perverses) d'une assassinée favorisant également la piste d'un suicide ou d'un pacte suicidaire, ou même encore d'un suicide avec vengeance posthume par fausse accusation...

Sans surprise, nos mythomanes s'en tinrent à du classique, d'inspiration conspirationniste, à savoir l'intervention d'un mystérieux assassin, du genre dealer qui veut récupérer son fric... Les variantes, également prévisibles, existent : Sid n'est pas là et découvre le corps, Sid est là mais pionce, d'ailleurs la taille du couteau ne correspond pas etc. mais, en tout cas, Sid se réveille et, dans toute sa gloire de camé, se dit que c'est probablement lui le responsable de cette boucherie, vu qu'il ne se souvient de rien...

Par charité et pour finir, mentionnons des versions plus élaborées, mettant en scène un dealer qui, en réalité informateur de la police, aurait été vu sortant de la chambre de l'hôtel mais, protégé par la dite police, laissé stratégiquement en liberté, scène du crime et dépositions soigneusement réarrangées dans ce dessein... Un complot du gouvernement américain, notoirement agressif envers les rock stars anglaises séditieuses établies sur son sol - John, si tu nous lis... - fournit la base d'une autre version qui voit des agents du FBI (ou de la CIA) commettre le meurtre... Bon, nous, on avait cru comprendre que la came, c'était plutôt un moyen de se débarrasser à bon compte des opposants, Black Panthers ou populations blacks des ghettos... Et puis la révolution d'un petit con de 21 ans, comment dire ? Bref, paix à leurs âmes et tout le bazar, nous, on se remet un Iggy Pop pour oublier tout ça, tiens...