David Crosby: Cowboy Movie

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Et si on se repenchait un peu sur le cas du baba obèse David Crosby ? L'auteur d'un des plus beaux albums folk-rock de tous les temps, If I Could Only Remember My Name, était, on s'en doute peu, un vrai taré de première, plongé comme il se doit dans la chnouffe et d'autres choses encore qui lui donnèrent l'entrain nécessaire à une auto-destruction dont il ne sortit que miraculeusement... Si vous en êtes restés aux harmonies vocales célestes avec Gene Clark, Stephen Stills, Graham Nash et Neil Young, à Déjà Vu et tout le bazar, ce billet est pour vous : JFK, Jimmy Carter, deux Porsche, une Mercedes, un .22 Magnum, la San Diego Freeway et même un chat meurtrier, y a tout ça, sur place ou à emporter...

Pour la faire courte, la jeunesse de David, c'est de la délinquance juvénile qui dit pas son nom : quand il ne s'introduit pas dans les maisons pour de menus larcins, le troubadour hippie engrosse les nanas du voisinage avant de s'éclipser, queue entre les jambes et paternité vite oubliée... L'esprit hippie peut-être ? En tout cas, les choses n'allèrent pas s'arrangeant, une fois la célébrité de la partie : le succès des Byrds, au sein desquels David officiait, lui monta comme il se doit à la tête, qu'il avait déjà passablement enfumée... On se rappelle peut-être son intervention spontanée au festival de Monterey, avec thèse conspirationniste post-JFK et apologie du LSD à la clé, qui glaça les Byrds sur scène...

Ses frasques peu appréciées du reste du groupe, qui lui rendit un hommage équin vicieux sur certaine pochette, David se fit virer un peu plus tard sans ménagement - mais plus élégamment que le fut l'éviction sordide de Andy Rourke par un Morrissey tout furieux, toutefois - un beau jour de 1967 : tranquille chez lui, perdu dans ses joints, il entend deux Porsche arriver en trombe et s'arrêter avec force dérapage devant sa baraque... À leur bord, Jim McGuinn et Chris Hillman, respectivement guitariste et bassiste des Oyseaux, qui sortent bientôt furibards de leur joujou de hippies friqués et assènent, en substance, à l'ours enfumé : "You can't sing, you can't play and you can't write. And you're an asshole"... Crosby en fut si peu traumatisé qu'il s'acheta dans la foulée un yacht avec l'argent qui lui restait de l'aventure et passa à autre chose...

En septembre 1969, un événement traumatique va précipiter sa dépendance, déjà passablement avancée, à l'héroïne et à l'alcool : sa copine Christine Hiton, amenant son chat chez le véto en voiture, n'arrive pas à contenir le pauvre félidé effrayé, celui-ci accroche ses griffes dans le bras de la conductrice et la voiture de partir dans le décor avec un gros bus en face... C'est Crosby qui dut aller identifier le corps - dévasté, il enregistra, fin 1970, un hommage terrifiant et superbe à sa copine disparue sur son album solo...

Les seventies ainsi débutées en funèbre fanfare, Crosby ne se fit pas prier pour s'abîmer allègrement dans l'héroïne, avec de la marijuana en accompagnement, à doses plus qu'homéopathiques et puis de la cocaïne et tout ce qui traînait en fait... Notre moustachu, à qui on peut difficilement reprocher d'avoir trop de souvenirs à partager, se rappelle tout de même avoir été quand même un peu à la rue, à l'époque : "One morning I got up, jumped in my Volkswagen bus, drove down to [Monkeys frontman] Peter Tork's house, got out, walked through the living room, and went and lay down by the pool... before I realized I hadn't put any clothes on..."

Au sein de Crosby, Stills, Nash et Young, puis sans ce dernier, David ne se fait pas particulièrement de potes non plus, on l'imagine bien, Stills et Young lui disputant par ailleurs sans trop d'efforts le titre de plus gros cons du business... Mention spéciale à Young au passage qui joua longtemps les pères la Morale sur le dos (large) de Crosby, désormais bouffi, en lui reprochant ses excès et refusant de jouer à ses côtés tant qu'il ne redevenait pas clean - ce même Young dont Martin Scorsese dut effacer quelques images de la prestation dans The Last Waltz pour cause de marques de poudre trop visibles dans la région nasale... La même année, Crosby, Stills and Nash donnaient, quant à eux, un petit raout pour Jimmy Carter à la Maison Blanche et profitant d'une brève absence du Président se firent, ainsi que le veut la légende, un petit joint dans l'Oval Office...

Le pire restait pourtant à venir pour le gras David, complètement perdu à l'aube des années 80... Son absorption démentielle de cocaïne lui avait valu de se trouer la cloison nasale - un incident partagé, dit-on, notamment par Mick Taylor - mais, conséquence tragique, le poussa à essayer le freebasing, version fumée et potentiellement létale de la chose comme on peut se douter... Partant, David s'envola pour la stratosphère avec peu de chance de retour : quand il ne prenait pas feu accidentellement - comprendre se concoctait un freebasing foireux - il demandait à une hôtesse de l'air de récupérer ses médicaments restés en soute ; en fait de médicaments, on y découvrit du haschisch, de la marijuana, de la cocaïne, de l'héroïne et, autre passion de l'Astérix de Haight-Ashbury, un magnifique .22 Magnum... On dit que, malin, Crosby avait en fait envoyé un roadie auprès de l'hôtesse et que c'est ce pauvre gars et sa copine qui furent arrêtés pour tentative de détournement d'avion...

En 1981, les rares potes de David réussirent à l'emmener (de force) dans une clinique pour suivre une cure de désintoxication dont il se barra quelques jours plus tard, pas plus propre qu'avant bien sûr mais apparemment suffisamment convaincant pour que les médecins lui remettent son bon de sortie... Quelques mois plus tard, il fallut toutefois se rendre à l'évidence : bouffi, énorme (plus qu'avant mais moins que plus tard), le barde californien ne pouvait aligner deux mots sans se prendre la glotte dans le tapis, quant à chanter...

Bien lancé, et poussant plus avant la gémellité avec un Dennis Hopper, Crosby s'endort au volant, l'année suivante, sur la San Diego Freeway et s'encastre dans la partie centrale de l'autoroute... Un classique : les flics accourent, la voiture est fouillée et, contre toute attente, on y trouve un pistolet, de la cocaïne, un petit butagaz et une pipe en lesquels les cops, esprits chagrins comme on le sait, virent le parfait attirail du freebaser... En rotation dans l'espace, Crosby réussit quand même à justifier la présence de son flingue en en appelant au récent assassinat de John Lennon par Mark Chapman : "If that guy had come after me he'd have been a piece of fucking Swiss cheese"... Si la charge de port d'armes illégal fut abandonnée, on lui colla, fort logiquement, un programme de rehab' obligatoire et trois ans de probation...

Pas très assidu, David devint à cette époque le roi incontesté de l'auto-financement junkie en réussissant à vendre sa même Mercedes plusieurs fois : $4000 (avec un peu de cocaïne en supplément) à un dealer qui fit quelques heures plus tard une overdose dans la dite caisse (qui, du coup, revint à Crosby), à un autre dealer qui lui retourna cassée (mais revendable), et d'autres encore - sans compter ses toiles et son yacht... Et ça continue : le mois suivant son arrestation sur la San Diego Freeway, sa loge est fouillée et qu'y trouve-t-on ? Le même kit du petit chimiste, c'est trop con, il avait pas pensé à passer l'aspiro et c'est parti pour un long procès...

Crosby, lui, se lamente et se prend à rêver : s'il avait assez d'argent, il partirait à bord de son yacht et lâcherait la came, tout seul, à force de volonté - l'entendant, un pote lui rappela qu'il avait vendu son bateau... Une troisième arrestation par-dessus tout ça, suite à la plainte de deux nanas qui accusaient le balourd baba de les avoir copieusement tabassées, David qui passe une nuit en prison, personne ne pouvant s'acquitter de l'énorme caution et nous voilà en 1983 avec un procès qui faisait quand même planer cinq ans de prison sur la tête du camé californien, alors au plus bas de l'échelle junkie, qui fit même encore un peu de prison en décembre 1985...

Épilogue connu : en 1988, un comeback miraculeux avec ses vieux potes, Stills, Nash et même Young... Le titre ? American Dreams... Autre épilogue : David est aujourd'hui rangé des bagnoles et sur Twitter.