The Rolling Stones: Got Live If You Want It

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Un peu de délation, nous explique-t-on, ne messied pas en ces temps obscurs et c'est donc avec bonne grâce que nous nous exécutons en proposant en ces colonnes un tour d'horizon de ce talon d'Achille rock que sont les "vrais-faux" live... Spontanéité et urgence oblige, supports opiacés ou éthyliques aussi, notre genre préféré n'accouche en effet, on le sait, que très exceptionnellement d'enregistrements publics en bonne et due forme, les overdubs chirurgicaux correctifs étant de longue date de rigueur, même - et surtout - pour les plus fameux d'entre eux... Ambiance warts and all comme on dit, donc, aujourd'hui avec le lancement d'un infâme listing des live traficotés, à compléter de judicieux ajouts en commentaires et à déconseiller aux âmes sensibles, fans ados de groupes déguisés ou non...

Tout d'abord, un brin d'épistémologie rock n' rollesque avec une tentative de définition de la méthodologie et du champ d'application de notre étude informelle... Un listing complet de live remaquillés en studio est naturellement hors de propos et on s'en tiendra donc aux exemples les plus emblématiques et/ou les plus traumatisants... On exclut aussi, évidemment, les ajouts assumés et ponctuels de clameurs publiques en boîte comme dans le "Train Kept A Rollin'" d'Aerosmith (sur le mésestimé Get Your Wings avec Steve Hunter et Dick Wagner aux grattes, d'ailleurs, en remplacement de Joe Perry), dans le "Blues De Luxe" du Jeff Beck Group, le "Reckless Abandoner" de Blackfoot et dans tellement d'autres... Troublante démarche, au passage, que cette mise en scène cousue de fil blanc, et somme toute pathétique, d'un accueil public hystérique...

Sur le même principe seront ignorées les savantes hybridations zappaïennes de plusieurs concerts, que le Maître justifiait ouvertement par un perfectionnisme névrotique mis au service d'une improbable œuvre parfaite - en notant aussi que, parfois, les soli réalisés par le sieur Zappa en concert lui semblaient, précisément, si parfaits qu'ils étaient inclus en retour dans les titres studios, comme le solo d''Inca Roads" (dans One Size Fits All) qu'on peut retrouver, à l'état brut, sur You Can't Do That On Stage Anymore, Vol. 2...

Plus fort encore, classe anglaise en plus, King Crimson conçut la quasi-totalité de son album "studio" Starless And Bible Black en piochant dans ses enregistrements live, sans les retoucher et sans le mentionner non plus - Fripp eut, plus tard, quand même recours aux overdubs sur le live USA pour substituer aux parties de l'honni David Cross celles d'Eddie Jobs mais ceci est probablement une autre histoire...

Par ailleurs, pour finir de cerner plus ou moins la chose, tout enregistrement rock public, on le sait, fait immanquablement l'objet de retouches, même mineures : hauteur du son, réajustement des balances, passage en fausse stéréo (ah les live sixties !), ajouts d'effets divers, mise à silence d'un instrument le temps d'un pain... Du coup, qu'est-ce qui fait d'un live un vrai-faux live ? A l'évidence, les ajouts d'enregistrement studio sur une captation live : ici quelques pistes vocales, là une fausse note, là encore, et plus souvent, un solo complet, le tout refait après-coup dans la quiétude du studio... Mais aussi le croisement de différentes sources live, sur le modèle zappaïen mais en mode furtif et fourbe, ou la réduction d'un long titre à ses meilleurs passages pour concocter la version killer... Longtemps, le fameux At Filmore East des Allman Brothers fut ainsi un monstre d'editing avec le producteur Tom Dowd dans le rôle du Docteur Frankenstein.... Bref, l'enregistrement live authentique est rare ou alors est un bootleg (qui sont par ailleurs, eux aussi, retouchés quasi professionnellement pour certains)... On pourrait vous la faire courte en disant que tous les live rock sont des faux, tiens...

Le décor planté grossièrement, on balance des noms, comme promis... On tape tout de suite sur les plus fameux d'entre eux, attention sanglant : le Live At Leeds des Who ? Bidouillé en studio, comme il se doit, nous confirme rien moins que Link Wray qui était dans le studio à côté et a tout vu, tout entendu... Les plus attentifs avaient déjà décelé sur la version originale une singulière partie de guitare inversée sur le titre "Magic Bus"... Péché véniel, la section en question étant simplement inversée de la vraie partie de guitare, se justifie Townshend qui pousse même l'honnêteté, curieusement rétrospective nous semble-t-il, en expliquant que c'était là le seul moment du concert où Entwistle, Moon et lui étaient décalés - en coupant, inversant et recopiant la partie fautive, il révélait ainsi au monde entier son editing, insiste-t-il... Voire... Cette inversion disparaît d'ailleurs des rééditions CD mais, avec l'ajout de la section "Tommy", furent aussi réenregistrés des chœurs, 25 ans plus tard, par un Daltrey plus trop jeune...

Le splendide Get Yer Ya Ya's Out des Stones ? Écoutez les pirates de la tournée ou encore les passages qui apparaissent dans le documentaire Gimme Shelter et vous aurez la version "rough"... À l'arrivée, il faut reconnaître, beaucoup moins de trafiquages que ne le laissaient supposer les arpèges curieusement limpides et impeccables de Keith sur "Love In Vain"... Les bavardages de Jagger avec le public édités, une guitare de Taylor peut être ajoutée et différentes sources de concert, donc au final, nos Stones s'en sortent l'honneur plutôt sauf.... Pas des débutants en la matière, toutefois, nos Pierres Roulantes puisque, dès 1965, leur infâme Got Live If You Want It, capturé avec un micro pendu au-dessus de la scène, avait été judicieusement complété de titres studios déjà bien connus, avec des cris par-dessus...

On continue la balance avec les plus méchants : le Live and Dangerous de Thin Lizzy qui, aussi refait qu'une Pamela, continue de séduire, lui aussi, un public bien indulgent... Le fameux Unleashed in the East de Judas Priest, lui, était d'une malhonnêteté si flagrante que peu, aujourd'hui, s'y réfèrent autrement qu'en utilisant son nom de, euh, scène, Unleashed In The Studio...

Ensuite, en vrac, parmi les plus fameux méchamment réenregistrés : les différents Alive de nos chouchous KISS, la prestation de Crosby, Stills, Nash & Young à Woodstock (et probablement celle de quelques autres), le Double Trouble Live de Molly Hatchet (ah la pureté et la précision de ces soli sudistes !), le Live Alive du pauvre Stevie Ray Vaughan trop bourré, le Live At Budokan de Cheap Trick, le Europe '72 du Grateful Dead (sorry, deadheads!), le Genesis Live et le Seconds' Out de Genesis (dans le premier cas, pour couper les moments où Gabriel changeait de costume, disent-ils aujourd'hui, dans le second pour assourdir au possible la prestation d'un guitariste sur le départ), le Made In Europe de Deep Purple (sacré Coverdale !), le Live ?!@ Like a Suicide des Guns (Axl ne fut pas long à claironner la malhonnêteté de l'entreprise) - en revanche, à noter qu'a priori il n'y eut pas d'intervention majeure sur le mythique Made In Japan*, qui contient, du reste, son lot de vautres... Gillan, lui, est toujours dégoûté d'avoir été enregistré un soir où il était "enrhumé"...

Tous pourris, du coup ? Maiiiiiis non... Le Live Album de Grand Funk Railroad a pas été retouché, c'est bien la preuve... Mais on garde le meilleur pour la fin quand même... Les grands Lynyrd Skynyrd font partie des rares rockers a avoir pris le chemin inverse et avec bonheur encore : sur la version originale de leur excellent One More From The Road, le solo de Allen Collins, jugé par lui inacceptable, avait été à l'époque réenregistré en studio... Pour sa réédition en CD version Deluxe, il y a quelques années, les gars n'ont pas pu remettre la main sur le solo studio et se sont donc résignés à remettre le solo live originel.... Surprise, il était parfait...